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  • Vous avez détruit la beauté du monde, le suicide scénarisé au Québec depuis 1763 par Isabelle Perreault et coll.
  • Elisa Vial
Vous avez détruit la beauté du monde, le suicide scénarisé au Québec depuis 1763 Isabelle Perreault, André Cellard, Patrice Corriveau et Christian Quesnel Montréal: Moelle Graphik, 2020, 72 p., 34,95 $

L'historienne Isabelle Perreault, l'historien André Cellard et le sociologue et criminologue Patrice Corriveau, tous trois professeurs à l'Université d'Ottawa, se sont réunis pour la mise en images d'une étude sur l'histoire du suicide au Québec. Cette recherche scientifique commencée il y a une dizaine d'années regroupe 20 000 cas de personnes suicidées entre 1763 et 1986. Pour y donner accès de façon originale, ils ont fait appel à Christian Quesnel, bédéiste souvent primé pour ses travaux et dont on apprécie le crayon artistique tout au long de l'ouvrage. Le résultat a pour titre Vous avez détruit la beauté du monde, le suicide scénarisé au Québec depuis 1763, un ouvrage scientifique présenté sous la forme d'une bande dessinée de 72 pages, dont 61 planches. À première vue, ce format surprend d'autant plus que le thème en question, l'histoire du suicide, est un sujet délicat. Pourtant, l'intérêt du projet réside justement dans ce trait novateur. Il en résulte en effet l'un des trop rares ouvrages qui utilisent la bande dessinée – qui est, faut-il le rappeler, le neuvième art – comme support de vulgarisation d'études scientifiques, ce qui est particulièrement le cas en histoire de la médecine.

Les premières planches (3 à 13) se veulent didactiques : entre le roman et la bande dessinée, elles mettent en images les discussions qui ont précédé la réalisation du produit fini et exposent la démarche suivie. L'accent est mis sur la « sobriété » (p. 13) et la « pudeur » (p. 12), en évitant les photos post mortem « gore(s) » ainsi que le « voyeurisme ou sensationnalisme » (p. 10–11). Le titre de l'ouvrage fait d'ailleurs référence à la dernière phrase prononcée par Huguette Gaulin, poétesse québécoise qui s'est immolée, en 1972, sur la Place [End Page 202] Jacques Cartier (actuelle place de la Dauversière) à Montréal – dont l'explication figure aux planches 58 à 63. En revanche, la seconde partie du titre est plus ambigüe puisque « suicide scénarisé » pourrait renvoyer à la mise en scène du suicide que le livre même opère. S'il est vrai que certains suicides sont mis en images dans l'ouvrage, la bande dessinée dans son ensemble correspond plus à une « histoire de la mise en scène du suicide au Québec » (p. 13), qu'à une mise en images des suicides survenus depuis 1763.

Plus généralement, toute l'entreprise pose la question de l'équilibre entre le format bande dessinée et le format ouvrage scientifique. La trame narrative de la bande dessinée ne peut pas se calquer stricto sensu sur un plan d'ouvrage scientifique. Dans ce cas-ci pourtant, la transposition est réussie. En effet, la trame est fluide et agréable à lire. Sur le plan scientifique, des notes en bas de page et des références sont disséminées tout au long de l'ouvrage. De même, on remarque en filigrane un découpage thématique aux transitions naturelles.

On distingue en tout deux grandes parties. Une première – de la planche 13 à la planche 36 – dépeint le suicide comme un acte privé qui renvoie à des représentations sociales. Les planches 37 et 38, toutes deux vides à l'exception de quelques taches de sang couleur sépia, servent à effectuer la transition. Dans une deuxième partie, le suicide est étudié à travers sa dimension sociale et, plus particulièrement, sa mise en scène. Les différentes mécaniques du suicide ont en effet permis à la chercheuse et aux chercheurs de faire une typologie...

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