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Note sur la theorie de la toleranceutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIH chez Pierre BayleMLKJIHGFEDCBA E L IS A B E T H L A B R O U S S E Comme on le sait, le plaid oyerd esLumieres en faveur d ela tolerance religieuse n’a guere fait que diffuser, monnayer, vulgariser des conceptions exposees des la fin du XVIIe siecle (en 1686 et 1689, respectivement) par Bayle et par Locke, le premier sous un pseudonyme, le second sous le voile de l’anonymat. Bayle a decrit la cruaute des persecutions, tout en soulignant leur inutilite, si l’on avait vraiment cherche a persuader leurs vietimes; il a aussi frappe ses lecteurs par les analyses ou il montrait que les efforts immenses deployes pour asseoir le monopole d’une religion d’Etat sont completement superflus, pareil monopole n’entrainant aucun avantage reel pour celui-ci, a qui, en revanche, le pluralisme religieux est profitable. Le programme utilitariste et pragmatiste des hommes du XVIIIe siecle accorde une importance majeure a de tels arguments, qui cependant ne sont pas les plus decisifs pour Bayle. On ne retrouve au XVIIIe siecle ni la logique rigoureuse de ses considerations speculatives , ni la hardiesse de ses conclusions: ainsi la plupart des tenors des Lumieres renoncent a reclamer la tolerance pour les athees que la problematique de Bayle exigeait. La pensee de Locke est directement tributaire des theories developpees en Angleterre pendant l’interregne, dont les dix dernieres annees avaient repre­ sente une experience de tolerance effective—sinon totale—riche de promesses a long terme pour la culture britannique. Mais, imprimes en anglais, ces textes 205 206 vutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA / ELISABETH LABROUSSEutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDC sont restes inaccessib les pour Bayle. Dans le surgissement d e sa conception d e la tolerance, l’experience personnelle et les evenements semblent avoir ete decisifs: ce qui l’a marque, ce fut la Revocation de l’Edit de Nantes, la mort en prison de son frere Jacob et aussi la tolerance de fait qui regnait en Hollande, en vertu des lois et surtout de l’attitude liberate des magistrats, precisons-le, car les Synodes, “flamands” ou “wallons”, se complaisaient volontiers aux anathemes, bien que leurs victimes n’en aient pas subi de consequences trop facheuses. Ideologiquement, Bayle ne s’est pas reconnu de predecesseur, en matiere de doctrine de la tolerance: lui, si modeste en general, parte avec une surprenante condescendance de Castellion et de son ideal irenique, par exemple. En effect, nous venons de le rappeler en faisant allusion aux Synodes, on ne saurait assez souligner combien parfaitement intolerantes etaient la theologie et l’ecclesiologie des Eglises Reformees. Le calvinisme avait conserve intacte la notion catholique d’eglise multitudiniste, couvrant tout un territoire et en embrassant toute la population grace a un monopole exclusif. Seule la “Reforme radicale”—anabaptistes, sociniens, quakers, etc.—avait tire les con­ sequences logiques de l’individualisme religieux implicite dans la crise de la Reforme, qui conduit si aisement au volontarisme de la Secte. Les grandes confessions reformees, en revanche, jusqu’au XVIIIe siecle, etaient restees tres proches du catholicisme quant a leur dogmatisme ingenu et a leur conception du pouvoir civil comme “bras seculier” de l’Eglise. L’erastianisme et le Droit Divin des Princes, s’ils ne ralliaient pas tous les theoriciens—la theocratie conservait des partisans en Ecosse, par exemple—, representaient l’ideologie revee partout ou la Reforme avait triomphe, car, au XVIIe siecle, leur signifi­ cation etait avant tout anti-romaine. Le principe hujus regio cujus religio n’avait que des avantages la oil le Prince se trouvait appartenir a la “bonne religion.” Cependant il va de soi qu’en France, les Huguenots, ces minoritaires , devaient le modifier en hypergallicanisme, arme de choix a l’encontre des pretentions usurpatrices du Saint Siege, mais simultanement, epee a double tranchant, puisqu’au moment de la Revocation Louis XIV enjoignit a ses sujets reformes de passer au catholicisme, en vertu d’une conception de ses droits regaliens a peine plus exorbitante que celle qu’exposaient les theori­ ciens huguenots depuis plus d’un demi siecle. Exemple eclatant de l’emprise du Droit Divin, le Refugie Pierre Jurieu caressa un temps l’espoir d’une con­ version de Louis XIV (ou du...

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