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L e C o m iq u e p a r n o n -se n s e t fa u x se n sonmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLK d a n s les c o n te s d e V o lta ire J E A N S A R E IL Le non-sens et le faux sens sont des form eselem entairesd’incongruite et, pour cette raison, se trouvent plus ou moins developpes chez tous les auteurs comiques. Mais alors que, chez un Rabelais ou un Moliere, le procede saute aux yeux parce qu’il est exploite jusqu’& epuisement de l’effet, chez Voltaire il passe a peu pres inaper^u bien qu’il soit d’un emploi frequent. A ma connaissance, aucun critique n’y a jamais fait allusion. Ce silence s’explique par deux raisons. La premiere est d’ordre technique et tient a la fagon d’ecrire. On peut affirmer sans crainte d’etre contredit que le comique de Voltaire repose avant tout sur la rapidite du recit. Non seulement les evenements se succedent a une vitesse incroyable, mais encore le comique est provoque par une accumulation d’effets droles qui donnent sa densite au recit et que l’auteur renouvelle de telle sorte que le lecteur ne cesse de rire sans avoir jamais le temps de s’interroger sur ce qui le fait ainsi rire. En consequence l’emploi du non-sens et du faux sens ne se remarquera pas plus qu’aucun des autres precedes employes par Voltaire. Il sera toujours suggere mais sans jamais s’imposer . A aucun moment la lecture ne doit etre interrompue par la reflexion, le recit est debarrasse de tout ce qui pourrait attirer 1’atten­ tion et ralentir le rythme. 477 478 / JEAN ZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA S A R E I L La seconde raison est d’ordre intellectueL Tout le monde sait que Voltaire est le champion de la raison et du bon sens. Bien entendu, il n’en est rien sous cette forme absolue, mais il ne fait aucun doute que e’est la l’impression que Voltaire veut donner a son lecteur et que celui'ci ne demande qu’a croire. Nous sommes en effet dans un univers comique oil les exigences de plausibilite sont bien moins grandes que dans un monde realiste, parce que le suspense en est generalement banni et que les rebondissements inattendus et les trouvailles d’esprit remplacent la tension dramatique. Cette vraisem* blance minime, dont se contente le lecteur, est obtenue par le rythme accelere sur lequel l’histoire est contee, le contraste entre les evene* ments et le ton employe pour les rapporter et enfin le controle con* tinuel de Taction par le meneur en jeu. Qui est Memnon? Est*il jeune? Est*il vieux? Pour quelles raisons a*t*il soudain decide de devenir sage? Nous n’en savons rien et nous n’avo'ns aucune envie de le savoir. La marionnette comique vit dans un monde temporel a une dimension; son passe est vague, son avenir sans importance. S’il y est fait allu* sion, e’est pour faire rire: les personnages vivent dans l’immediat: e’est ainsi que les souffrances cessent d’etre des souffrances des qu’elles ne sont plus infligees. Ce controle du recit par le meneur de jeu—qui intervient peu d’ailleurs dans la narration—donne a l’histoire une apparence ration* nelle. On l’a note plus d’une fois, rien n’est moins utopique qu’Eldorado et il n’est pas possible d’imaginer une histoire plus eloignee de la science*fiction que M icro m eg a s. Jamais 1’auteur ne fait le moindre effort pour nous persuader de l’existence de l’ange Jesrad ou de l’ange gardien de Memnon, mais il s’efforce toujours de ramener le fantastique a des proportions normales. L’explication accompagne toujours l’evenement, meme si elle ne prouve rien, meme si elle est fausse. Mais sa seule presence donne une apparence de rationalite au recit. Car ce controle par la raison est plus apparent que reel. Le bon sens de Voltaire, ce fameux bon sens, est une attitude de combat qu’il...

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