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  • Introduction
  • Anne-Claude Berthoud

Ce numéro spécial de la Revue Européenne de Politique Linguistique/European Journal of Language Policy émane des réflexions et des actions que mène actuellement le Groupe de travail « Langues et science » du Conseil Européen pour les Langues/European Language Council (CEL/ELC), dans le cadre de la controverse actuelle sur les apports et les risques de l’usage d’une langue unique (en l’occurrence l’anglais comme lingua academica) pour le monde de l’enseignement supérieur et de la recherche dans le contexte de l’internationalisation. Il est plus particulièrement issu de deux événements thématiquement liés – la Table ronde organisée à l’Université de Genève en août 2017 et le Forum du CEL/ELC organisé à la Freie Universität Berlin, en décembre 2018, ayant pour intitulé général « Les enjeux du plurilinguisme pour les pratiques scientifiques ».

Les langues et la science forment assurément une association complexe qui s’est longtemps posée comme un noyau de résistance. Si l’on admet aujourd’hui l’importance du plurilinguisme pour la société, la culture et plus récemment pour l’économie, le monde de la science échappe encore largement à un tel questionnement. La construction et la transmission des savoirs se fondent sur un monolinguisme grandissant, l’anglais lingua franca/lingua academica étant conçu comme condition d’une connaissance qui se veut universelle. Cette conception est fondée cependant sur l’illusion de la transparence des langues et de l’universalité des modes de communication, considérés comme de simples véhicules au service des idées et des découvertes. Bien que l’anglais ait permis une extraordinaire avancée de la connaissance, il peut aussi à terme conduire à son appauvrissement, au risque de développer une monoculture de la connaissance et de la science, dans la mesure où les pratiques langagières interviennent de manière structurante sur les savoirs et les savoir-faire, jouant un rôle de « médiation » aussi bien en termes cognitifs que discursifs.

Dans cette optique, le plurilinguisme se pose comme un antidote à l’écrasement des cultures académiques et scientifiques, comme un garant de la [End Page 1] pluralité des perspectives, et dès lors de l’« épaisseur », de la profondeur, de la richesse et de la qualité des savoirs et de leur communication.

La thématique « plurilinguisme et science » relève d’un domaine en émergence, d’un champ de recherche encore largement à défricher. Seuls quelques articles, ouvrages et manifestations commencent à y être consacrés. Nos réflexions relèvent dès lors d’une démarche exploratoire, avec tous les risques que cela comporte. Elles se posent comme précurseurs d’un nouveau « trend », qui sans aucun doute va prendre une grande importance dans les années à venir, avec l’ambition de pouvoir en infléchir les lignes directrices.

Et c’est précisément à cette ambition qu’ont été dévolus la Table ronde de Genève et le Forum de Berlin, en offrant une première tentative de mettre ensemble et de faire dialoguer des expériences diverses, des angles d’approche spécifiques, que ce soit en termes de recherche, d’enseignement supérieur ou de politique linguistique.

Il s’agissait de mettre en débat les questions portant sur les enjeux du plurilinguisme pour les pratiques scientifiques dans toute leur diversité (construction, circulation, transmission des savoirs, expertise scientifique, …) et en particulier de se demander en quoi et sous quelles conditions le plurilinguisme peut être un avantage pour ces pratiques.

De nombreux résultats de recherche ont montré la plus-value du plurilinguisme aussi bien en termes cognitifs que communicatifs et stratégiques pour le monde de l’éducation supérieure, et des travaux plus récents s’attachent à en montrer la plus-value pour la recherche scientifique. Il y est cependant souligné que ces avantages le sont à certaines conditions. Parmi ces conditions, il y a notamment celle du statut des langues, des différentes valeurs attachées aux langues, et en particulier celle d’être ou de ne pas être des langues dites de...

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