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Reviewed by:
  • Jacques Lusseyran, entre cécité et lumière dir. by Marion Chottin, Céline Roussel and Zina Weygand
  • Corinne Doria
Jacques Lusseyran, entre cécité et lumière. Sous la direction de Marion Chottin, Céline Roussel et Zina Weygand. Préface de Pierre Brunel. (Figures normaliennes.) Paris: Éditions Rue d'Ulm, 2019. 232 pp., ill.

En dehors d'un cercle restreint d'historiens et de littéraires, peu de gens connaissaient la vie et l'œuvre de Jacques Lusseyran (1924–71) avant la publication de la biographie de Jérôme Garcin intitulée Le Voyant (Paris: Gallimard, 2015), texte qu'il qualifie lui-même d'exercice d'admiration. Restait alors à produire un ouvrage académique, susceptible de fournir une perspective plus objective sur cet écrivain et résistant aveugle. C'est maintenant chose faite. Issu d'une famille de scientifiques, devenu aveugle à l'âge sept ans et demi à la suite d'un accident, Lusseyran reçoit son éducation à Paris. En dépit de sa cécité, il parvient à intégrer le Lycée Louis-le-Grand où il poursuit ses études en classes préparatoires littéraires, mais les lois de Vichy l'empêchent de passer le concours de l'École normale supérieure de la rue d'Ulm et ceux de l'enseignement secondaire de la fonction publique. En 1941, il forme avec une cinquantaine d'élèves des lycées parisiens le mouvement de résistance les Volontaires de la Liberté, ce qui entraîne d'abord son arrestation et ensuite sa déportation à Buchenwald. Après la libération, les aveugles restant toujours exclus de l'enseignement public secondaire, il enseigne d'abord à Salonique, puis au Cours de civilisation française de la Sorbonne, et enfin aux États-Unis, au Hollins College (Virginie) et à la Case Western Reserve University (Cleveland). Écrivain prolifique et engagé, il meurt dans un accident de la route à l'âge de quarante-six ans. Issu d'un colloque organisé en 2016 à la Fondation Singer-Polignac à l'initiative de l'historienne spécialiste [End Page 486] des aveugles Zina Weygand, ce volume est organisé en trois sections thématiques. La section 'Histoires' comprend quatre contributions consacrées à l'activité de Lusseyran en tant que résistant, déporté et professeur de littérature. La section 'Écriture(s)' propose l'examen comparé de ses ouvrages autobiographiques (Et la lumière fut, publié en deux versions, 1953 et 1961, et Le Monde commence aujourd'hui, 1959). La section 'Vision(s)' se focalise sur les expériences visuelles constamment évoquées dans ses écrits, ici analysées à la fois sur le plan philosophique et neurologique. Deux témoignages—un de son frère Pascal et un de Jacques Bloch, son compagnon d'internement à Buchenwald—ainsi que des textes inédits de Lusseyran clôturent le volume. Cet ouvrage voit se rencontrer, autour d'un sujet d'intérêt commun, des auteurs provenant de champs disciplinaires différents. Parmi les contributeurs, on compte des historiens (Gildas Brégain, Rebecca P. Scales, Jacques Semelin, Weygand), des philosophes (Marion Chottin, Piet Devos), des littéraires (Céline Roussel) et des médecins (José-Alain Sahel, Avinoam B. Safran). Tout en étant construits autour de questionnements et de méthodologies variés, les chapitres s'organisent dans une composition harmonieuse. La réussite de ce savant rapprochement disciplinaire prouve l'utilité de la collaboration entre sciences humaines et sciences médicales autour des questions du handicap. L'ouvrage se caractérise également par l'absence de toute approche hagiographique: s'ils soulignent tous la conception positive de la cécité, à l'opposé de l'idée de déficience, que Lusseyran a déployée dans sa vie comme dans ses textes, les contributeurs de ce volume maintiennent une posture critique. Lecture agréable et stimulante, ce volume est une leçon de méthode pour tout chercheur s'intéressant aux disability studies.

Corinne Doria
School of Advanced Studies, University of Tyumen
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