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  • Métro-tout-nerfs-rails-magiques. Les transports dans l'œuvre de Louis-Ferdinand Céline by David Décarie
  • Hans-Jürgen Greif (bio)
David Décarie : Métro-tout-nerfs-rails-magiques. Les transports dans l'œuvre de Louis-Ferdinand Céline, Québec, Éditions Huit, coll. Contemporains, 2018, 195 p.

Professeur depuis 2004 à l'Université de Moncton, spécialiste de Céline, David Décarie a publié un essai qui a reçu un accueil très favorable: Metaphorai. Poétique des genres et des figures chez Céline (Nota bene, 2004). Il s'intéresse également à Germaine Guèvremont, dont il a édité en collaboration avec Lori Saint-Martin Tu seras journaliste et Le cycle du survenant (Presses de l'Université de Montréal, 2013).

Paru aux Éditions Huit, qui ont réédité quatre importants écrits polémiques de Céline (Bagatelles pour un massacre, Les beaux draps, L'école des cadavres, Mea culpa, tous en 2012, ainsi que Voyage au bout de la nuit: « seul manuscrit », sous la responsabilité de Régis Tettamanzi), ce nouvel essai poursuit et approfondit le travail de Metaphorai en analysant le rôle des moyens de transport dans l'œuvre célinienne, à commencer par le métro, « la manifestation la plus évidente d'un mouvement beaucoup plus profond, souterrain, insistant, aux ramifications multiples, qui commence avec Voyage et qui se termine par [End Page 401] Rigodon ». Car les transports représentent autant de métaphores liant l'auteur à ses réflexions sur le style et l'écriture. Ainsi, le gouffre du métro marque le point de départ d'une « rêverie originelle », présente partout dans l'œuvre, tant dans les romans que dans les pamphlets.

Il n'est pas surprenant que le métro et l'underground londonien aient fasciné le Parisien Céline-Destouches à cause des mouvements des rames sous la ville, et qu'il se soit demandé à quel moment il a ressenti l'impulsion d'écrire. « C'est dans le métro que ça m'est venu ! », s'exclame-t-il. Il se rappelle que son art poétique est né dans le métro au moment de rencontrer la « petite Musyne », la « poésie rentrée », la « femme serpent » en la personne d'une jeune chanteuse, évocation proustienne du souvenir de l'origine. Pour l'écrivain, c'est le souterrain et le trou noir, fréquenté par les pauvres, alors que la « montée », par l'avion, est réservée aux riches. Mais un jour, Musyne disparaît sans explication tandis que le narrateur descend, lui, dans la langue, celle du peuple et de l'argot, puisque « c'est là que se trouve "petite" ». S'insurgeant contre Proust, Montaigne et l'élégance du style qui caractérise l'écriture française du passé, Céline la balaie pour se rapprocher de la réalité et de la vie.

Au centre de son essai, Décarie place « la trilogie allemande »: D'un château l'autre (1957), Nord (1960) et Rigodon (1969). Cependant, avant que Céline trouve sa forme d'écriture définitive, il faut remonter à ce qui l'a enclenchée, la « blessure originelle ». Elle se présente sous les traits du syndrome de Ménière, une affliction débilitante qui se manifeste par des sifflements, des bourdonnements d'oreilles et des vertiges souvent sévères. Les acouphènes causent dans bon nombre de cas l'insomnie chronique, comme ce fut le cas pour Céline. Sa vie durant, il fait croire à son entourage que sa maladie a été causée pendant la Grande Guerre par une blessure à la tête, et qu'il a subi une trépanation alors qu'en réalité il avait été blessé à un bras, assez grièvement d'ailleurs pour que le futur médecin soit déclaré inapte au service militaire. Mais le syndrome a poussé Céline à écrire. On rapporte de lui le mot suivant: « Si j'avais bien dormi toujours, j'aurais jamais écrit une ligne. » De Mort à crédit à Nord, en passant par Rigodon, l'écriture sera un moyen de défense contre le mal et la...

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