In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • L'école amnésique ou Les enfants de Rousseau by Réjean Bergeron
  • Hans-Jürgen Greif (bio)
Réjean Bergeron, L'école amnésique ou Les enfants de Rousseau, Montréal, Les Éditions Poètes de brousse, coll. Essai libre, 2018, 168 p.

Après le collectif dirigé par Sébastien Mussi sur la liquidation programmée de la culture dans les programmes des cégeps (La liquidation programmée de la culture. Quel cégep pour nos enfants?, Montréal, Liber, 2016), voici un autre essai dont il ne faut manquer en aucun cas la lecture. Précisons que l'auteur est professeur de philosophie au cégep Gérald-Godin; son livre Je veux être un esclave!, également édité par les Éditions Poètes de brousse, en 2016, a eu un écho positif dans les médias. Ici, Réjean Bergeron rend, lui aussi, hommage aux membres de la Commission Parent dont le rapport avait établi un véritable système d'éducation, basé sur l'identité de l'être humain et sa société au milieu des années 1960. Comme l'ont souligné les auteurs entourant Sébastien Mussi, cette Commission est et demeure le point de référence pour la majorité (souvent silencieuse) d'entre nous, nonobstant les cinquante ans qui nous séparent du Rapport Parent. Ses signataires définissaient la culture comme « un univers polyvalent de connaissances (cultures humaniste, scientifique, technique, culture de masse) » qui, depuis, n'appartient plus à l'élite ou aux riches. Les membres voulaient donner aux jeunes une formation solide fondée sur la transmission des connaissances. Cette formation était censée les rendre capables d'adapter leurs connaissances spécialisées à des situations variées et changeantes. Pour la Commission, les enseignants doivent « avoir une solide culture générale [où] la formation doit prendre le dessus sur l'information ».

La question centrale des réflexions de Bergeron est la suivante: depuis 2001 et après dix-huit ans de réformes pédagogiques, d'expérimentations tous azimuts, qu'en est-il des niveaux intellectuel et cognitif des jeunes, du primaire au cégep, en passant par le secondaire? Cet essai place le lecteur au centre de la pratique pédagogique. Suivre les étapes de l'argumentation revient à analyser avec l'auteur la situation qui prévaut à tous les niveaux d'enseignement, de l'école primaire aux universités.

Dans un préambule qui pourrait sembler farfelu et amusant, Bergeron invente (?) une visite au « Nouveau Salon de l'éducation », Place Bonaventure. Le visiteur s'y familiarise avec les huit formes d'intelligence: verbale, logico-mathématique, musicale, visuelle et spatiale, corporelle, interpersonnelle et naturaliste (cette dernière pour les amateurs d'animaux, de plantes, de pierres). Suivent les quatre styles d'apprentissage: visuel, auditif-oral, lecture-écriture et kinesthésique. Le tout est agrémenté de commentaires enthousiastes du professeur Ollivier Dyens, militant ardent pour les « nouvelles » technologies qui remportent un vif succès auprès de la majorité des parents, à en croire les statistiques. Un peu plus loin, le visiteur assiste à des explications accompagnées de démonstrations sur son propre corps, avec des cours de massage, d'empathie, de méditation pour enfants et ados, de Brain Gym (selon la révélation « celui qui bouge stimule son cerveau »). Les pupitres traditionnels n'existent plus, rejetés par Maria Montessori qui estimait que l'école « crucifiait » les petits en les immobilisant. Maintenant, [End Page 374] tout le monde choisit ce qui lui plaît: chaise berçante, sac « haricot », divan ou le plancher pour se « sentir chez lui », sans oublier les « coins de l'émotion ».

Pour ne pas faire languir le lecteur, Bergeron dit clairement pourquoi ce salmigondis de multiples nouveautés le dérange: « Dans notre système d'éducation, le pathos a fini par supplanter le logos, la forme a fini par prendre plus d'importance que le contenu, et les savoir-faire, autres façons de nommer les compétences, ont relégué les connaissances et la culture aux rôles de simples servantes. » Nous vivons dans une société bien-pensante et politiquement archi-correcte, prompte à saliver et...

pdf

Share