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  • Nouvelle
  • Michel Lord (bio)

Petite année en 2018, mais avec de belles et grandes surprises, la première étant la réédition de cinq recueils de textes brefs de Louis-Philippe Hébert, remasterisés, comme le dit astucieusement l'auteur. Les autres belles surprises nous viennent de Jean Marcel et David Dorais qui donnent dans le conte plutôt que la nouvelle, mais de manière merveilleuse, et ce, dans tous les sens du terme. Côté strictement nouvellistique, un nouvellier, Simon Brousseau, et deux nouvellières déjà aguerries, Camille Deslauriers et Lucie Lachapelle, se distinguent par la finesse de leur écriture et l'originalité de leurs visions du monde. Dans l'ensemble, la tendance au roman par nouvelles semble vouloir se confirmer, sans pour autant occuper tout l'espace formel. Le genre narratif bref, qu'il soit textuel/discursif, contier/merveilleux ou résolument nouvellistique/réaliste a encore de belles années devant lui.

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En 2017 et 2018, Louis-Philippe Hébert a réédité cinq de ses premiers livres, qu'il a regroupés en trois unités. Étant donné l'importance de cet événement, j'ouvre ma chronique par ce qui normalement la termine. On n'a pas idée de la nouveauté qu'apportait Louis-Philippe Hébert au début des années 1970 dans le champ littéraire québécois. Maintenant auteur de dizaines d'ouvrages poétiques, narratifs et dramatiques, depuis 1967, il célébrait en 2017 le cinquantième anniversaire de l'écriture (et non de la publication) du Roi Jaune, paru en 1971 aux Éditions du Jour. Cette édition, « revue, corrigée et augmentée, remasterisée », avec les illustrations originales de Micheline Lanctôt, nous rappelle qu'écrire comme ça, ça ne se fait plus, mais que ça se faisait depuis un petit siècle ou deux. Pensons aux poèmes en prose de Rimbaud et de Mallarmé, aux Chants de Maldoror de Lautréamont. Comme eux, Hébert met la hache dans le texte en bousculant allégrement les genres poétiques et narratifs. Cela est certes réservé aux happy few, happés comme moi, par sa virtuosité verbale. N'empêche, tout amateur de littérature québécoise peut y trouver son compte et son plaisir. Si histoire il y a (narration ou prose oblige), elle se construit, dans cet étonnant Roi Jaune, à même le matériau linguistique et les échos que se renvoient ces 197 fragments textuels, échevelés, héberlués qui enrichissent et prolongent les traditions dadaïstes ou autres écritures expérimentales depuis les premiers balbutiements du romantisme et de son plus récent héritier, le surréalisme. Des exemples? Les premiers écrits de [End Page 277] Théophile Gautier (Les Jeunes-France, romans goguenards, 1833), de Louis Aragon (La défense de l'infini, 1928), écrits fous et fougueux, témoins de leur époque respective et qui préludaient chez chacun à une période plus réaliste. Mutantis mutandis, Hébert connaîtra une évolution similaire, allant de la totale liberté poétique et prosaïque aux formes moins hermétiques de la narration dans ses romans et recueils de nouvelles des années 2000. Mais trêve de projections temporelles, mon propos va plutôt chercher ici à se concentrer sur les détails hallucinants du Roi Jaune, tel que publié en 1971 et remanié par son auteur quelque 50 ans plus tard, en respectant au maximum le contenu original. Pour mémoire, je renvoie à ma première lecture de cette œuvre dans le DOLQ1. Comme la classification l'indique dans la longue liste des œuvres « du même auteur » (qui fait quatre pages), ces « textes » sont bel et bien « en prose », mais il s'agit d'une prose volontairement oublieuse de la continuité narrative. La diégèse est constamment brisée dans son élan par des inventions langagières et des surprises en apparence irrationnelles, absurdes, qui rappellent par moments certains des propos de La cantatrice chauve de Ionesco. Rien d'autre que du discours et du descriptif, mais complètement disjoncté. Humains, animaux, objets s'agglutinent, se...

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