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Reviewed by:
  • The Slave's Cause: A History of Abolition by Manisha Sinha
  • Michaël Roy
Manisha SINHA, The Slave's Cause: A History of Abolition, New Haven, Yale University Press, 2016, 768 p.

L'ouvrage de Manisha Sinha est déjà devenu un incontournable des études sur l'abolition de l'esclavage aux États-Unis. Son titre pourrait laisser penser qu'il s'agit d'une simple synthèse de la littérature secondaire–certes foisonnante–sur le sujet. Il n'en est rien. Comme le révèle l'examen des près de 140 pages de notes en fin d'ouvrage, M. Sinha opère un retour aux sources primaires qui lui permet non seulement de reconstituer un siècle d'histoire de l'abolitionnisme, de la période révolutionnaire à l'abolition générale de l'esclavage par le Treizième amendement à la Constitution en 1865, mais encore de remettre en cause un certain nombre d'idées reçues sur cette histoire chargée d'enjeux historiographiques. On est presque saisi d'un vertige en parcourant les notes, tant l'auteure semble avoir tout lu de ce que les contemporains ont écrit pour dénoncer l'esclavage–pas une brochure abolitionniste, pas un journal antiesclavagiste ne manque à l'appel. Les 600 pages de texte qui précèdent sont à l'image de l'appareil de notes : denses, précises, toujours sous contrôle.

C'est d'abord une nouvelle chronologie de l'abolitionnisme que propose Manisha Sinha. Les historiens ont longtemps privilégié l'étude de la période 1830-1860, « âge d'or de l'abolitionnisme » (p. 5), pendant lequel des militants noirs et blancs organisés en mouvement réclament l'abolition immédiate de l'esclavage. M. Sinha remonte dans le temps, puisqu'elle fait démarrer son récit à la fin du XVIIIe siècle, lorsque les appels à la liberté et aux droits naturels des acteurs et actrices de la révolution [End Page 206] américaine s'accompagnent d'une première remise en cause de l'esclavage–et de son abolition, le plus souvent graduelle–dans les États du Nord. S'inspirant de la périodisation du mouvement féministe, elle distingue deux « vagues » abolitionnistes, l'une impulsée au moment de la révolution (un tiers de l'ouvrage), l'autre au début de la période antebellum, soit les décennies ayant précédé la guerre de Sécession (deux tiers). Le prisme de la longue durée révèle à la fois la persistance de l'antiesclavagisme dans la jeune nation américaine, y compris pendant des périodes traditionnellement considérées comme des périodes de reflux (les années 1810 et 1820), et le tempo extrêmement lent d'une émancipation qui n'advient qu'au terme de longues décennies de lutte–quatre-vingt-huit ans, si l'on en croit Patrick Rael, auteur d'une autre histoire longue de l'abolitionnisme15.

De la même manière qu'elle étend la chronologie, M. Sinha propose une définition large de ce qui relève de l'abolitionnisme. À ce dernier terme, elle semble d'ailleurs préférer celui d'abolition : c'est moins une idéologie, un ensemble de principes qu'étudie M. Sinha, qu'un faisceau de discours et de pratiques ayant rendu possible l'abolition de l'esclavage ; le sous-titre de l'ouvrage (A History of Abolition) le laisse déjà entendre. Ainsi l'auteure peut-elle intégrer à son récit la résistance des esclaves, posée dès l'introduction comme un paramètre essentiel du mouvement contre l'esclavage. Tout au long de l'ouvrage, M. Sinha montre comment la doctrine abolitionniste naît, se développe et se transforme au gré des épisodes insurrectionnels (de Gabriel en 1800 aux insurgés de l'Amistad en 1839 en passant par Nat Turner en 1831), des actions en justice menées par des esclaves (l'esclavage est aboli dans le Massachusetts dans les années 1780 à la suite des procès intentés par Mumbet et Quok Walker contre leurs...

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