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Reviewed by:
  • La couronne du diable par Alexandre Najjar
  • Suzie Suriam Wordofa
Najjar, Alexandre. La couronne du diable. Plon, 2020. ISBN 978-2-259-30481-8. Pp. 104.

"Si le diable règne aujourd'hui, Dieu a demain pour lui", lit-on en épigraphe. La dédicace aussi est saisissante de par son actualité sans cesse renouvelée: "À toutes les victimes du coronavirus." Ancré dans l'actualité, ce roman est à l'image de l'époque où les tweets, snapshots, etc. nous livrent différents points de vue qui—s'additionnant ou s'annulant—constituent peut-être l'histoire de ce début du vingt et unième siècle. Face à son éditeur Marc, l'écrivain Gaudens se pose en témoin et en prophète. Il raconte une réalité invraisemblable où le coronavirus s'est soudainement impose dans nos vies. Lui s'immisce dans l'intimité d'inconnus assommés par le même fléau. Ni le temps, ni l'espace ni les langues ne font obstacle puisque du confinement et du malheur communs naît une nouvelle forme d'humanité. Le récit adopte l'itinéraire et la chronologie de la Covid-19—de la Chine aux États-Unis en passant par le Japon, la France, le Liban, l'Italie, l'Iran et l'Espagne. À Wuhan, le narrateur se fait témoin des tribulations de Li Wenhang (médecin sonneur d'alarme), du déni des autorités chinoises soucieuses du qu'en-dira-t-on, puis de la disparition de ce Galilée des temps nouveaux. Vient la lune de miel d'un couple britannique sur un paquebot japonais menaçant de devenir leur tombeau. Sous forme de journal intime, le mari revient sur deux mois d'un voyage cauchemardesque. À Paris, on partage le quotidien angoissé [End Page 275] d'une femme confinée dans son appartement. Les références littéraires et les rapprochements avec les fléaux d'antan s'accumulent: Flaubert soupconné d'avoir contracté le choléra lors de son voyage en Orient, Camus évoquant la résurgence de la peste ou encore Shakespeare. Le sort des personnages âgées dans les EHPAD y est aussi abordé. À la première personne du singulier, le roman examine plusieurs facettes d'un malheur commun. Il s'agit en effet de se mettre à la place de l'autre, d'épouser ses peurs et d'éprouver ses maux. Le confinement agit en miroir inversé et nous rappelle que survivre c'est servir, "partir c'est trahir" (60). À Beyrouth, d'où vient l'auteur, un père Jésuite révolutionnaire apparente ainsi la Covid-19 à une épreuve divine. "Si la foi déplace les montagnes, elle devrait nous aider à surmonter l'épreuve du coronavirus" (66), conclut-il. Ces vignettes internationales n'essaient pas d'expliquer l'inexplicable. Elles nous enjoignent à l'embrasser pour qu'en résultent des jours meilleurs. Ce sont huit actes de foi dont l'écho s'amplifie à mesure que passent les semaines—le virus continuant à dérouler son parchemin, à revenir sur ses pas et sur nos certitudes. Ce roman a été écrit dans l'urgence, apparemment sur onze jours. Dans l'épilogue, le narrateur nous presse de "séparer enfin le bon grain de l'ivraie" (101) avant qu'il ne soit trop tard. Il file la métaphore biblique tout en relançant le débat politique. Pour "sortir indemnes de cette époque" (86) en dépit de notre vulnérabilité mise à nue par la présente crise, tout serait en définitive question de priorités gouvernementales et de choix individuels.

Suzie Suriam Wordofa
Independent Scholar
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