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Reviewed by:
  • Taramoin: tradition orale et tradition écrite à l'école maternelle par Ngoc-Anh Tran
  • Stéphanie Pellet
Tran, Ngoc-Anh. Taramoin: tradition orale et tradition écrite à l'école maternelle. L'Harmattan, 2018. ISBN 978-2-343-15367-4. Pp. 211.

L'auteure revisite et abrège ici sa thèse de doctorat (1990) sur l'échec scolaire des Kanaks de Nouvelle-Calédonie et ses propositions pour une pédagogie du français langue seconde, fondée sur une approche plurilingue et une adaptation du français à leur tradition orale. Tran brosse un rapide portrait de la colonisation et de l'enseignement [End Page 285] des langues, et présente le contexte socioculturel de l'aire linguistique paicî, langue la plus parlée sur Grande Terre, et site de son enquête sociolinguistique. S'ensuit une partie relativement brève sur l'application en maternelle des propositions de thèse en 1997 et 1998, par une institutrice kanak nommée Taramoin. Plus narrative, cette partie souligne l'investissement personnel de l'auteure pour "développer le bilinguisme fonctionnel" (151) dès la maternelle. Introduction et conclusion font le lien avec la situation actuelle, faisant état de progrès relatif, tel le passage à un enseignement primaire autonome depuis 2000. Le livre est paru juste avant le référendum par lequel la population s'est prononcée à 56,4% contre l'accès à la pleine-souveraineté de ce territoire d'outre-mer. La fragmentation linguistique caractérise cette région ethniquement diverse: 40% de Mélanésiens, 29% d'Européens, moins de 10% de Wallisiens et de Futuniens, et plus de 3% d'Asiatiques. Cependant le français, langue officielle, a longtemps marginalisé les 28 langues kanakes demeurantes (branche océanique de la famille austronésienne). Cette domination linguistique est à l'origine de l'échec scolaire des Kanaks: seuls 37% sont admis au baccalauréat en 1987, contre 71% des européens (73). Si l'ouvrage permet de se refamiliariser avec l'histoire politique de la Nouvelle-Calédonie, Taramoin aurait bénéficié d'une organisation libérée de la thèse, d'une écriture plus cohérente et d'une description linguistique plus approfondie des langues kanakes (certes diverses, avec des langues tonales sur Grande Terre, contrairement à celles des îles Loyauté). Les références théoriques sont également aléatoires, ce qui est peut-être compensé par un effort pour situer l'étude dans le cadre global des situations linguistiques des populations indigènes. Ce qui est manifeste, c'est l'engagement de l'auteure envers la situation du peuple kanak. Elle retrace la politique linguistique hégémonique (décret de 1863 interdisant l'utilisation des idiomes calédoniens à l'école), et les méthodes inadaptées (le français est présenté dans son contexte métropolitain comme langue première) qui conduisent aux écoles populaires kanak, dont l'enseignement est ancré dans la réalité locale. Les enquêtes sociolinguistiques menées par Tran auprès d'enseignants, de parents et d'enfants offrent une perspective autochtone unique, donnant littéralement voix aux acteurs concernés. Ceux-ci font preuve d'un réalisme pragmatique: concernant l'enseignement du français, écrit un parent à l'orthographe oralisante, "nous sommes d'accord par ce que ce l'avenir de nos enfants qui compte avant tout" (111). Ils souhaitent également préserver leurs langues, certaines en danger. Tran appelle à une revalorisation culturelle et économique des langues kanakes par le biais du français langue seconde comme "lien fédérateur d'une société calédonienne 'rééquilibrée', et unie" (34). Une lecture aisée, "Taramoin" est avant tout le récit d'une expérience sur le terrain illustrant les conséquences de la politique linguistique (post)coloniale, et à ce titre a place dans tout cours avancé sur la francophonie. [End Page 286]

Stéphanie Pellet
Wake Forest University (NC)
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