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Reviewed by:
  • Le dernier Syrien par Omar Youssef Souleimane
  • Nacer Khelouz
Souleimane, Omar Youssef. Le dernier Syrien. Flammarion, 2020. ISBN 978-2-0814-8492-4. Pp. 267.

Ce roman-témoignage est celui d'un exilé syrien en France qui, à travers l'écriture, revient sur les lieux du drame que vit son pays pour tenter d'en retracer la genèse et plus sûrement encore, d'en dénoncer les auteurs. Ce choix du retour aux origines du conflit est par ailleurs une manière d'en souligner la longévité. Près d'une décennie plus tard, "en mars 2011, quand Youssef participa à la première manifestation à Damas" (8), ce fut alors l'euphorie des printemps arabes. La jeunesse syrienne envahit les rues de Damas pour réclamer "pacifiquement" (12) à Bachar al-Assad l'instauration des libertés démocratiques. Ils s'appellent Youssef, Mohammad, Joséphine, Khalil. Ils sont de jeunes étudiants qui se sentent alors galvanisés par le précédent tunisien. L'immolation de "Bouazizi" (8) est pour eux le révélateur d'une grave crise sociopolitique touchant tout le monde arabe. Leur action première est d'organiser la contestation. Leur mot d'ordre: la non-violence, qu'ils croient être le seul véritable levier pour une transition démocratique. L'outil privilégié est celui de leur temps: internet, smartphone et réseaux sociaux. Des amours naissent entre eux comme naîtrait le don de soi de la lutte pour la survie et la liberté. Elles sont multiples, croisées, inattendues et parfois crues. Youssef, depuis sa base militante de Homs, s'éprend de Mohammad, tandis que Khalil en pince pour Joséphine qui, à son tour, regarde du côté de Youssef. Le récit semble alors adopter un rythme vertigineux: est-il question de révolution politique, sexuelle ou religieuse? Il s'agit sans doute de tout cela à la fois. Souleimane a opté pour la vieille idée selon laquelle la révolution est ce qui permet la remise à plat des tabous et interdits de tous ordres: "nos parents ont été éduqués avec l'Interdit […] qu'ils nous laissent vivre [notre vie]" (43). L'homosexualité et la religion s'y affrontent radicalement. La première se met à demander des comptes à la deuxième qui brandit l'étendard du texte sacré. Pour ces jeunes, Daesh fossoyeur de toute émancipation doit être combattu en ce qu'il vise à remplacer une dictature par une théocratie. Le chemin vers la libération est long, semé d'embûches: "ce régime fasciste est très puissant, il va nous massacrer" (53). De même que ces "gens violents qui rasent leur moustache et gardent leur barbe" (60) achèvent le verrouillage du pays. Le dernier Syrien est un roman déroutant par sa trame narrative qui laisse la part belle à une longue correspondance électronique inusitée. Il y a ici une érosion de l'énonciation qui préfigure l'éclatement de l'espace dans lequel évoluent les personnages du fait de l'omniprésence des services de renseignement du régime. C'est aussi celui de l'inégalité des forces en présence qui conduit à l'échec et à l'exil. Et si finalement le pays que chacun cherchait "depuis sa naissance" (139) était bien moins une Syrie qui s'enlise de plus en plus que celui de l'amour indéfectible entre camarades de combat? [End Page 277]

Nacer Khelouz
University of Missouri, Kansas City
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