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Reviewed by:
  • Moi, qui que je sois par Mathieu Lindon
  • Christian Roche
Lindon, Mathieu. Moi, qui que je sois. P.O.L, 2020. ISBN 978-2-8180-4922-8. Pp. 400.

La dernière phrase du livre est celle-ci: "Il était une fois moi, croyez en moi s'il vous plaît, qui que je sois", et pose la question de la nature et des limites de toute entreprise littéraire. Entretemps, on aura lu quelques "Contes de fées et autres romans d'amour", puis une sorte de polar intitulé "l'enquête" et, enfin, une sorte de texte pornographique intitulé "faire de son cul une oeuvre d'art", partouze universelle dans un gymnase. Mais l'un ou l'autre de ces genres littéraires n'est qu'un prétexte pour en repousser les limites, et priver le lecteur de tout plaisir conformiste de lecture. En guise de personnage de conte de fées, on trouve une mauvaise odeur et l'une des histoires d'amour se penche, non sans humour, sur la question de l'utilité du membre masculin. Quant à l'enquête policière, elle se perd en digressions sur les badauds, les relations entre policiers, etc. D'un récit à l'autre, certains mots comme odeur, ombre ou conte de fées réapparaissent et se transforment. On lit par exemple qu'une odeur nauséabonde ne le sera peut-être pas toujours, que les idéaux de liberté, égalité, fraternité ne sont que des contes de fée relégués dans un futur qui se dérobe forcément lorsqu'on croit s'avancer vers lui, et l'auteur nous rappelle que la trame des contes de fées est toujours la même: "—Je suis gentil et courageux et je veux être heureux.—Alors, sois-le" (379). L'une des parties s'intitule "futur" et explore brillamment les ambiguïtés de ce temps grammatical. Dans la quatrième et dernière partie, intitulée "les logiciens", on trouve la définition suivante: "la logique: ne plus avoir besoin d'idées. Puisque ceci cela et ainsi de suite, ça coule de source" (373). Le pouvoir du narrateur réside ici dans le refus rigoureux de créer et suivre des pentes faciles pour faire progresser le texte. Il est très efficace dans l'utilisation de divers non-dits, qu'il s'agisse d'odeurs, de sexualité ou d'autres grands idéaux. On est parfois quelque peu effaré par l'ambition d'exhaustivité, notamment sur le thème des fantasmes, mais c'est aussi là qu'on touche de très près à des questions littéraires sur la possibilité ou non de mêler le réel et la fiction. Peut-on sauter des pages? Dans quel ordre faut-il lire les textes? Je recommanderais de commencer par la quatrième partie, ou de s'y rendre après avoir lu les premiers récits. Cette section du livre fourmille de citations et références à l'histoire littéraire. On s'aperçoit alors que l'auteur ne fait ici que s'y inscrire à sa façon en réussissant à dégager certaines vérités qui n'apparaissent qu'en littérature, à condition de transcender certaines oppositions binaires telles que utile/inutile, puissance/impuissance, corps/idées et, bien sûr, entre le bon et le mauvais goût. Un livre décapant qui stimule l'esprit critique bien après l'avoir refermé. [End Page 270]

Christian Roche
Ralston Valley High School (CO)
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