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Reviewed by:
  • Capital et idéologie par Thomas Piketty
  • Edward Ousselin
Piketty, Thomas, Capital et idéologie. Seuil, 2019. ISBN 978-2-02-133804-1. Pp. 1198.

En 2013, Le capital au XXIe siècle de Piketty a obtenu un très favorable accueil critique et populaire, ce qui était particulièrement surprenant pour un essai d'économie de près de mille pages. L'auteur présente son nouveau et encore plus gros volume comme étant "dans une large mesure le prolongement" du premier (9). On retrouve en effet une approche analytique semblable, qui allie des études statistiques et une démarche d'historien. Piketty est encore plus ambitieux dans ce nouveau livre, qui examine et classifie les "régimes inégalitaires" dans plusieurs pays à travers le monde, au cours d'une longue période historique. Sont donc étudiées: les sociétés ternaires (guerriers, prêtres, travailleurs), les sociétés esclavagistes et coloniales, les sociétés de propriétaires, etc. Les variantes plus récentes (sociales-démocrates, communistes et post-communistes) ne sont pas oubliées. Dans chaque cas, les niveaux d'inégalité, ainsi que leurs évolutions dans le temps, sont examinés en détail, tout comme le sont les idéologies justificatrices: "Chaque époque produit ainsi un ensemble de discours et d'idéologies contradictoires visant à légitimer l'inégalité telle qu'elle existe ou devrait exister, et à décrire les règles économiques, sociales et politiques permettant de structurer l'ensemble" (13). Piketty s'appuie sur une documentation impressionnante, qui est disponible en ligne. La dimension internationale et historique du livre permet à l'auteur d'établir des comparaisons, de faire ressortir des ressemblances ou des contrastes en ce qui concerne l'évolution des inégalités socioéconomiques dans plusieurs pays et à diverses époques. Il revient souvent, statistiques à l'appui, sur le fait que la période où nous vivons est caractérisée par des niveaux d'inégalité qui rappellent ceux de la fin du dix-neuvième siècle. La part du revenu des 10% les plus riches dans le revenu total a nettement augmenté depuis les années 1980, aux États-Unis comme dans plusieurs pays européens. Il en est de même pour le patrimoine financier et immobilier. Sans négliger les transformations technologiques qui ont contribué à cette tendance, Piketty relie clairement l'appauvrissement relatif des 50% "du bas" à l'idéologie "hypercapitaliste" qui, en réduisant à la fois le niveau global d'imposition sur les plus riches et les services sociaux destinés aux plus pauvres, a abouti à des niveaux d'inégalité semblables à ceux de l'Europe de l'Ouest avant la [End Page 247] Première Guerre mondiale. Les pays de tradition sociale-démocrate ont un peu mieux résisté à cette tendance. Cependant, comme le signale l'auteur, les partis politiques sociaux-démocrates se sont souvent transformés, devenant davantage les partis des diplômés que ceux des pauvres. Piketty rappelle que l'augmentation des inégalités contribue à intensifier les tensions au niveau international et à empêcher l'émergence d'un consensus sur les mesures à prendre face aux défis mondiaux actuels, en particulier le changement climatique. Le dernier chapitre de ce livre présente plusieurs propositions détaillées et parfois originales pour favoriser un accès plus égalitaire à l'éducation, à des emplois correctement rémunérés et à des patrimoines mieux répartis. Piketty, qui se définit plus comme un chercheur en sciences sociales que comme un économiste, a produit une somme analytique à visée profondément politique, qui mérite abondamment d'être lue.

Edward Ousselin
Western Washington University
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