Thalasso réal. par Guillaume Nicloux (review)

Cinq ans après avoir été kidnappé sur ordre, il en est certain, de François Hollande, Michel Houellebecq n'est pas en grande forme. On le retrouve donc en cure de thalassothérapie à Cabourg où, en plus d'être soumis à un régime à base de légumes et de fruits qui ne lui convient guère, il subit des traitements de cryothérapie, de bains de boue et de douches froides. Bravant l'interdit, il fume aux abords de l'hôtel et y rencontre Gérard Depardieu, lui aussi en quête de frauduleuse nicotine. Les deux hommes se lient d'amitié et poursuivent leur cure ensemble. Ils discutent de la vie, de la mort, et de la vie après la mort autour de produits du terroir au mépris de toutes les règles diététiques du lieu. Guillaume Nicloux reprend avec Thalasso la formule qui avait fait le succès de L'enlèvement de Michel Houellebecq, documentaire télévisé parodique, déjanté et réjouissant produit par Arte et diffusé sur Netflix aux États-Unis. Le passage au grand écran et la sortie en salles ne changent rien aux procédés cinématographiques déployés. Tourné à plusieurs caméras et jamais en plus d'une prise, le film privilégie la spontanéité des situations en accolant cette fois un monstre sacré du cinéma à celui de la littérature, avec toujours ce flou qui plane entre réalité et fiction, entre scènes écrites et improvisées. Par le biais de la confrontation de deux corps diamétralement opposés mais également abîmés par l'âge, le film ressuscite la tradition du duo comique à la Laurel et Hardy à laquelle Depardieu avait lui-même participé en compagnie de Pierre Richard dans les années 1980. Le cinéma, comme souvent chez le réalisateur, se trouve thématisé, notamment à travers les anecdotes que partage Gérard sur sa luxuriante carrière. À celles-ci se greffe la tension entre deux cinéphilies qui irriguent toute l'oeuvre de Nicloux. Ainsi l'apparition décalée de Françoise Lebrun, égérie du cinéma d'auteurs aussi exigeants que Jean Eustache, Paul Vecchiali et Marguerite Duras, vient-elle mettre en avant une cinématographie aux antipodes de celle qu'incarne Sylvester Stallone. L'apparition de la (fausse) star hollywoodienne vient parasiter la chronique du quotidien de la cure et introduit dans la deuxième partie du film une dimension fantastique lynchéenne, servie par d'énigmatiques personnages aux corps et aux visages pour le moins détonants. Le rythme du film souffre parfois d'une méthode de tournage qui condamne le réalisateur à abandonner toute "scène ratée" du montage, celle-ci n'existant qu'en un exemplaire. Cependant, le talent comique des acteurs, la cocasserie des séquences et l'indécision permanente entre réel et fiction confèrent à Thalasso une identité troublante qui l'inscrit sans dépareiller dans l'univers cultivé par le réalisateur au fil de sa singulière filmographie.