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Reviewed by:
  • Seule à mon mariage réal. par Marta Bergman
  • Marius Conceatu
Bergman, Marta, réal. Seule à mon mariage. Int. Alina Serban, Tom Vermeir, Rebeca Anghel. Frakas, 2018.

Pamela, jeune femme rom qui veut échapper à son village enneigé au fin fond de la Roumanie, cherche mari, de préférence français. À cause de la barrière linguistique et d'une détermination trop manifeste de la femme à plaire, la première rencontre par téléconférence avec Bruno (Tom Vermeir) est d'une maladresse insupportable. À la représentante de l'agence matrimoniale où elle avait placé son annonce, Pamela avait déclaré que les Français "sont des gens bien, qui contribuent au ménage". Bruno est Belge, mais il parle français et cela suffit pour correspondre aux attentes de Pamela. Cependant, dès qu'elle lui rend visite à Liège, il est clair qu'ils ne sont pas faits l'un pour l'autre. La solitude dans le mariage? Un mariage solitaire? Le spectateur passera deux heures à interpréter le titre du film. Aussi triste que cela puisse paraître, cette coproduction belgo-roumaine est pleine d'humour et surtout de perspicacité. Marta Bergman réalise avec Seule à mon mariage son premier long métrage, qui bénéficie de son savoir-faire en tant qu'auteure de documentaires sur les Roms des banlieues pauvres de Bucarest. L'univers en patchwork du film est construit avec la précision et l'énergie de la documentariste, mais du point de vue subjectif de la protagoniste, permettant à Bergman de montrer dans sa lumière naturelle une catégorie sociale habituellement invisible. La réalisatrice porte un regard empathique sur les Roms, sans les prendre pour victimes. Si l'on cherche une critique socio-féministe de l'intégration des minorités, des difficultés de l'émigration, surtout pour les femmes seules, de l'industrie des épouses sur catalogue—ce discours est bien présent, mais ce sont les émotions brutes qui crèvent l'écran. Pamela (la scintillante Alina Serban) cache pendant longtemps à Bruno qu'elle a une petite fille en Roumanie. Lorsque la gamine arrive en Belgique, amenée par Marian, ami et baby-sitter d'occasion, Pamela est obligée de réévaluer ses sentiments et ses besoins. Mère et fille se trouvent devant un nouveau départ, dont nous ignorons la destination, et ce moment fait contrepoint à la fugue de Roumanie en pleine nuit, seule, au début du film. Bergman détruit systématiquement les clichés: la jeune rom n'est ni voleuse, ni mangeuse d'hommes; Bruno, aussi bizarre et exaspérant qu'il soit, n'est pas un vieux libidineux; la fin heureuse où l'amour l'emporte sur toutes les différences est absente. Ce qui reste et se déconstruit est un besoin inéluctable de partir (aura-t-on enfin trouvé un stéréotype que Bergman conserve, celui du nomadisme des Roms?) à la recherche d'un chez-soi. Aussi la méconnaissance du français est-elle un obstacle constant pour Pamela. Comme l'on entend quatre langues (roumain, rom, français et néerlandais) et plusieurs accents étrangers en français, le spectateur—peu importe son origine—peut [End Page 225] ressentir le choc de l'aliénation et de la mauvaise compréhension, thèmes importants du film. Même les parents flamands de Bruno, naturellement à l'aise dans un contexte multiculturel et bilingue, voudraient que Pamela—qui a déjà du mal à parler français—apprenne le néerlandais, parce que "c'est une belle langue". Apprendre une langue est une espèce de mariage solitaire.

Marius Conceatu
Hampden-Sydney College (VA)
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