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  • Partage de l'insolence (usage de Vallès par les temps qui courent)
  • Nathalie Quintane

-Parler de la Commune, c'est-à-dire, pour moi, parler de Vallès.

- Quelqu'un, en toute bonne logique, que je n'aurais jamais dû lire (lire vraiment, lire pour écrire), et quelqu'un, en toute bonne logique, que j'aurais forcément lu, que j'aurais forcément été amenée à lire, pour de vrai.

- Je farfouillais dans les séries, au collège (je suis professeur en collège), quand je tombe sur une édition expurgée poche de L'enfant.

- Tiens, qu'est-ce que c'est que ça?

- Je feuillette… Oh oh! (le professeur en flaire un bon pour les élèves), tiens tiens! (l'écrivain se pousse derrière le professeur): c'est de la prose coupée; c'est au présent; c'est frais; c'est raide; c'est pour eux (les mômes), et c'est pour moi.

- Voilà comment j'ai découvert Vallès.

- Les avis divergent: certains disent qu'il est encore «illégitime»; d'autres qu'il est tout à fait scolarisé à présent, inséré dans la liste des auteurs de la tradition littéraire française, rien moins que réfractaire, etc.

- Voyons ça de plus près. D'abord, c'est sur L'enfant que je suis tombée; pas sur L'insurgé (faut pas rêver). Ensuite, sur amazon, les éditions qui se succèdent, scolaires, sont à peu près toutes des éditions de L'enfant; une ou deux du Bachelier (c'est déjà chaud, Le bachelier).

- Le rangement d'un auteur n'est rien d'autre que l'usage qu'on en a. Un spécialiste de Vallès l'insère, de fait, dans les études françaises de littérature, le reconnaît depuis son poste de reconnaissance, en compose sa Pléiade ou le pléiadise, et [End Page 415] rétrospectivement énonce: vous voyez bien qu'il n'est plus réfractaire, puisqu'il est en Pléiade!

- Je ne suis pas spécialiste de Vallès et les mômes non plus.

- Pour eux, frissons du gosse maltraité. Mots et choses bizarres, venus d'un autre siècle.

- Pour moi, un copain. D'abord un copain potentiel: «Il y a quelque chose làdedans qui me dit quelque chose mais quoi?»

- À un moment, je lis L'insurgé. Je me dis: Tiens, pareil qu'aujourd'hui! Les embrouilles dans l'extrême-gauche, les questions, les hésitations, à savoir si c'est trop tôt ou trop tard, la malice du camp d'en face, leur côté tape-dur vite avéré, le malentendu sur la République, le mot de République, sur lequel ils continuent à jouer et à se gaver, les badingueries et foutriquèteries (Macron et ses ministres), Biarritz 2019, la ville d'Eugénie…

… Oups! Boucheron1 m'a bien dit de me méfier de l'analogie—et de l'anachronisme encore plus!

- Je le raconte dans Un oeil en moins; le livre pour lequel Vallès m'a rendu un fier service.

- J'avais lu L'insurgé depuis déjà quelques temps, les Nuits debout commençaient, au printemps 2016, et je prenais des notes que je récrivais de suite en grosses masses gros blocs.

- Ça n'allait pas.

- D'un coup, c'est venu: Vallès! Passages à la ligne, coupes, présents, blancs, court, court! De la prose en prose, comme dit Jean-Marie Gleize, et un réalisme critique (ça, c'est ce que j'ai repris à Nerval),

- et de l'humour, bien entendu.

- «L'ironie me pète du cerveau et du cœur.

Je sais que la blague est inutile, je m'avoue vaincu d'avance, mais je vais me blaguer moi-même, blaguer les autres, hurler mon mépris pour les vivants et pour les morts. »

- Bon, il en rajoute toujours un peu. En même temps, les Nuits debout, c'était pas la Commune de Paris. [End Page 416]

- Les Gilets Jaunes, ça a bien failli. C'est pour ça qu'il y a un avant et un après...

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