L'université et la ville : les espaces universitaires et leurs usages en Europe du XIIIe au XXIe siècle dir. by Florence Bourillon et al. (review)

Contrairement à plusieurs ouvrages collectifs, qui se bricolent en introduction une cohérence après-coup au hasard des textes reçus, celui-ci est animé par une tâche, voire une mission particulièrement engageante: celle d'étudier à travers plusieurs cas les relations entre la ville et l'université, qui ont très peu retenu l'attention de l'histoire urbaine. Plutôt que de mettre en évidence, comme il est habituel dans ce domaine, l'extériorité de l'université par rapport au cadre urbain –sur le mode du Town and Gown –, les articles du collectif cherchent à cerner leurs rapports parfois tendus, leurs influences réciproques et leurs évolutions entremêlées.

On peut d'abord apprécier le fait que les directeurs du livre ont choisi une division thématique plutôt que chronologique. La Partie 1 porte sur « Fondations et refondations universitaires », la Partie 2 sur les « Les effets urbains de la présence universitaire » et la Partie 3 sur la « Dissémination des espaces universitaire ». Les cas présentés s'étalent du Moyen Âge à aujourd'hui et concernent principalement quatre pays de l'Europe de l'Ouest: la France, l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne. Malgré cette traversée ambitieuse, les limites (inévitables ?) de ce type d'ouvrage ressortent rapidement. L'une d'elles touche à la faible problématisation des enjeux ville/université dans plusieurs textes, qui se contentent d'adopter une approche descriptive.

Néanmoins, les parallèles entre les différentes études sont suffisamment nombreux pour permettre au lecteur de cerner des pistes de questionnement et d'interprétation. C'est le cas de l'enjeu de la naissance des espaces universitaires, qui retient l'attention de nombreux contributeurs et permet de croiser diverses échelles (municipale, urbaine, territoriale, nationale, internationale) et plusieurs contextes (économiques, politiques, scientifiques, géographiques, etc.). La création des espaces universitaires devient dès lors un révélateur privilégié pour cerner une histoire urbaine elle-même imbriquée dans d'autres histoires et animée par une diversité d'acteurs: administrateurs universitaires et conseillers municipaux, politiciens et clercs, professeurs et étudiants, urbanistes et ingénieurs, entrepreneurs et architectes, libraires et logeurs, gendarmes et juges, pour en nommer quelquesuns. L'étude de ces acteurs met sur la piste des relations complexes entre la ville et l'université et fait ressortir, à travers leurs collaborations, leurs conflits et leurs initiatives, l'existence d'espaces universitaires dont le statut, le rôle et les limites sont constamment remis en jeu et renégociés non pas surtout par rapport à la ville, mais avant tout au sein de la ville.

Il se dégage de plusieurs textes une intention commune de dépasser une certaine histoire des universités confinée aux chroniques événementielle ou apologétique. L'enjeu de la discipline universitaire, abordé à quelques reprises dans l'ouvrage, est révélateur à cet égard: il ne relève plus seulement d'une histoire anecdotique à sensations fortes, mais des stratégies des autorités universitaires et municipales pour gérer une population étudiante privilégiée et turbulente. Il met également en jeu les rapports de classe et les conflits intra-urbains entre diverses factions, ordres ou professions. Ainsi négociés, empiétés ou transgressés, les espaces de la ville deviennent révélateurs des contraintes et des conditions plus larges du développement ou de la fluctuation des espaces universitaires, qu'il s'agisse de la densité urbaine, du marché foncier, de la situation des transports, des catastrophes naturelles, de la démographie étudiante, de l'offre de logement, des velléités de surveillance ou de contrôle d'autorités politiques ou religieuses, etc.

L'un des...