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  • Les Lumières catholiques et le roman français éd. par Isabelle Tremblay
  • Sylviane Albertan-Coppola (bio)
Les Lumières catholiques et le roman français, éd. Isabelle Tremblay
Voltaire Foundation; Liverpool UP, 2018. 382pp. £65. ISBN 978-1-786-94141-1.

La faible place accordée aux romans catholiques dans les études consacrées à ce qu’il est convenu d’appeler les Anti-Lumières justifiait pleinement que l’on y dédiât tout un ouvrage. De ce point de vue-là, les onze articles qui composent le volume remplissent parfaitement leur rôle. Des écrivain(e)s peu connu(e)s comme Moncrif, Loquet, d’Arconville, ou même plus étudié(e)s ces dernières années comme Beaumont, Genlis, Gérard, sont ainsi justement mis en lumière pour leur contribution à l’histoire du roman français. Bernardin de Saint-Pierre trouve aussi sa place dans le corpus en tant que « philosophe catholique » pour la « double théodicée » contenue dans Paul et Virginie (article de Marco Menin). On ne peut donc que saluer l’important apport aux recherches dix-huitiémistes que constitue ce recueil dirigé de main de maître par Isabelle Tremblay. [End Page 290]

On s’aperçoit, à parcourir les analyses minutieuses des spécialistes réunis autour de ce projet, que non seulement le roman à caractère religieux (qu’on le nomme édifiant, apologétique ou simplement catholique) connaît une vaste diffusion dans la République des lettres mais qu’il est loin d’être coupé du mouvement des Lumières. D’après Alicia C. Montoya, Stéphanie de Genlis offre une intéressante synthèse des principes catholiques et des valeurs civiques des Lumières. Jeanne-Marie Leprince de Beaumont se situe selon I. Tremblay à « la croisée du roman édifiant et du discours réformiste des philosophes », ce qui explique à mon sens que la critique l’ait tantôt classée dans le camp des Anti-Lumières, tantôt tirée du côté de la pensée progressiste des Lumières. F.-A. de Paradis de Moncrif suit également, démontre Valentina Denzel, « un parcours entre catholicisme et philosophie des Lumières », centré sur ce qu’on pourrait appeler « la galanterie chrétienne », qui s’appuie sur la croyance en la bonté humaine et l’importance de la raison. La réflexion sur le bonheur représente ainsi une sorte de « passerelle entre les Lumières et les anti-Lumières » dans les Entretiens de Clotilde (1788) de Marie-Françoise Loquet visant, explique Marylise Turgeon Solis, à contrer les effets d’une littérature anti-monastique en pleine expansion à la fin du siècle.

Mais l’intérêt majeur de ce rassemblement de contributions diverses réside dans la réflexion qui court d’un article à l’autre, quel que soit l’auteur(e) considéré(e) ou l’angle d’approche choisi, sur le rapport entre la raison et la foi. C’est sur ce point que l’ouvrage comporte le plus d’avancées. Tou(te)s les romancier(e)s ne se contentent pas, en effet comme Genlis de tenter de réconcilier la foi religieuse avec le rationalisme des Lumières ou de s’annexer comme Gérard le concept de lumières. Certain(e)s apportent des réponses plus subtiles et originales au problème de la compatibilité de la foi avec la raison. Comme le montre Ramona Herz-Gazeau, Beaumont fonde son apologétique à la fois sur les idées de Descartes et celles de Pascal: la raison est capable grâce à la (bonne) philosophie de découvrir la vérité, en écartant les obstacles élevés par la foi. Le chapitre de Lenglet-Dufresnoy, qu’examine Jan Herman, revisite d’autre part l’opposition traditionnelle entre imagination et entendement en saluant l’efficacité des légendes chrétiennes qui ont inspiré à nos pères de bons sentiments. La pédagogie de Genlis comme celle de Beaumont est fondée sur une conception lockéenne du contact de l’enfant avec le monde, tout en soutenant une conception théocentrique du monde.

De l...

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