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Reviewed by:
  • Parcours politique des surréalistes, 1919-1969 by Carole Reynaud-Paligot
  • David Vrydaghs
Carole REYNAUD-PALIGOT, Parcours politique des surréalistes, 1919-1969, Paris, CNRS Éditions, 2010 [ 2001], 474 p.

La réédition de l'ouvrage de Carole Reynaud-Paligot, Parcours politique des surréalistes, 1919-1969, dix ans après sa dernière parution50, se justifie pleinement tant cette étude conserve sa pertinence et son intérêt au sein des approches du surréalisme.

Initialement publiée à une époque où la recherche s'était surtout concentrée sur l'épisode communiste du surréalisme, elle apportait alors un éclairage plus complet sur la vie politique intense du surréalisme tout en renouvelant l'analyse de son rapprochement avec le Parti communiste. Elle identifiait ainsi les principales sources de la politisation du mouvement (l'anarchisme individualiste, l'appel à la révolte de poètes comme Rimbaud et Lautréamont, le refus de nombre de valeurs de la société française des années 1910-1920, la constitution d'une esthétique littéraire révolutionnaire, etc.), précisait les rapports souvent complexes que le mouvement entretint, au fil de son histoire, avec d'autres groupes et organisations (du Parti communiste à la Fédération anarchiste en passant par le Rassemblement démocratique révolutionnaire de 1947), comme elle examinait son attitude lors d'événements comme la guerre d'Espagne, la guerre d'Algérie ou la révolution cubaine. Elle s'achevait par une section consacrée aux fondements anarchistes de l'éthique surréaliste.

L'apport de cette étude fut d'abord d'ordre historique. Fondée sur des documents d'archives et une lecture attentive des essais publiés par les surréalistes (en particulier ceux de Breton), l'analyse chronologique du parcours politique des surréalistes par C. Reynaud-Paligot permit d'identifier, dans celui-ci, trois époques distinctes: une phase de politisation du mouvement, sensible dès octobre 1920, date à laquelle le comité éditorial de Littérature décide d'ouvrir la revue aux questions politiques; une phase de rapprochement avec le Parti communiste (1925-1935), durant laquelle le surréalisme cherche à « obtenir d[e ce dernier] [s]a reconnaissance […] en tant qu'art révolutionnaire » (p. 151); une phase de retour progressif à l'anarchisme, après divers tâtonnements. L'examen de ces trois phases mit en évidence le fait que l'engagement communiste, qui, de tous les engagements des surréalistes, est celui qui a le plus retenu l'attention de la critique, est finalement moins fondamental et plus circonstanciel que l'attrait des surréalistes pour l'anarchisme. Carole Reynaud-Paligot explique l'adhésion durable et profonde à ce dernier par les proximités importantes [End Page 222] existant entre l'éthique surréaliste, fondée sur le « refus de la morale bourgeoise […], [l]a recherche d'une autre morale centrée sur le désir, l'amour, les passions, [l]a quête d'une société plus juste dont la contrainte serait absente » (p. 335), et l'utopie libertaire (dans sa version fouriériste surtout, version que Breton découvre pendant la Seconde Guerre mondiale).

Plus fondamentalement, l'étude de C. Reynaud-Paligot s'imposait – et retient encore l'attention aujourd'hui – par ses choix méthodologiques et les thèses qui en découlaient. Voulant « mettre au jour les processus de politisation d'une avant-garde littéraire et artistique », comprendre comment « un mouvement littéraire est […] saisi par la politique » et ce « [q]ue signifie l'engagement politique pour des hommes qui n'ont pas a priori vocation politique » (p. xvii), l'auteure adopta certains outils de la sociologie de la littérature. Si elle prit ses distances avec les explications des conduites littéraires au moyen du concept de stratégie (par exemple, p. 18-19), elle retint l'hypothèse sociologique selon laquelle le contexte littéraire prime sur tout autre pour rendre raison des choix des écrivains51. C'est dans cette perspective en effet qu'elle explique la volonté surréaliste de rapprochement avec le Parti communiste à partir de 1925. Celle-ci obéirait avant tout à une logique litt...

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