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Reviewed by:
  • Camarades! La naissance du Parti communiste en France by Romain Ducoulombier
  • Jean-Numa Ducange
Romain DUCOULOMBIER, Camarades! La naissance du Parti communiste en France, Paris, Perrin, 2010, 432 p. Préface de Marc Lazar.

Bien que l'histoire du PCF ait fait l'objet d'un investissement très fort dans le domaine de l'histoire, donnant lieu à d'innombrables contributions (parfois d'inégale qualité), très peu de travaux ont étudié dans le détail le congrès fondateur qui s'est tenu à Tours à la fin de l'année 1920. Le travail d'Annie Kriegel, auteur d'une monumentale thèse sur la question (1964), avait contribué à populariser la thématique de la « greffe » bolchevique sur l'organisation française, s'opposant à l'idée, alors défendue âprement par les historiens communistes ou proches d'eux, d'une continuité avec une quelconque tradition nationale, insistant sur la nouveauté radicale du modèle communiste prôné par le Komintern.

C'est dans un contexte plus apaisé – les enjeux politiques étant bien moindres vingt ans après la chute du mur de Berlin – que Romain Ducoulombier a publié un ouvrage issu de sa thèse en 2010, qui devrait être réédité à la fin de l'année 2020. Outre le changement d'atmosphère historiographique et idéologique, l'historien a bénéficié d'un accès à des archives (notamment de Moscou) qui étaient indisponibles avant l'effondrement de l'URSS.

Continuité ou rupture avec les travaux d'Annie Kriegel? Ducoulombier, en avançant l'hypothèse d'une « régénération » du socialisme français, veut montrer que l'attraction du bolchevisme doit être comprise comme un choix répondant au désarroi provoqué par 1914. L'historien affirme que la « greffe » extérieure ne tient [End Page 195] pas, car le choix des militants français ne peut être compris indépendamment de leurs espérances et valeurs d'avant-guerre. Pourtant, la préface de Marc Lazar invite à douter de l'incompatibilité des deux hypothèses: « il propose une nouvelle version de la greffe bolchevique non plus limitée à Tours, mais à laquelle il donne une acception extensive (p. 15) ».

C'est en effet l'aspect « extensif » de ce travail qui mérite d'être discuté. Il invite à penser les débuts du communisme en rapport avec la tradition socialiste française ou plus exactement avec certains traits de cette dernière. Sur le plan méthodologique, l'historien ne fait pas mystère de ses préférences: il revendique une histoire politique et conceptuelle inspirée par François Furet. Il partage avec ce dernier une profonde répulsion à l'égard du communisme « moscoutaire », mêlée en permanence à une fascination face à l'ampleur du phénomène, tout particulièrement en France. On est évidemment loin ici d'une histoire sociale qui expliquerait la naissance du communisme « par en bas »; les acteurs de ce qui se joue à Tours sont avant tout une poignée d'individus emblématiques, une élite militante. Le reproche a déjà été adressé à l'auteur de Camarades ! d'avoir exagérément porté attention aux joutes au sein de l'appareil. Mais il n'est pas suffisant à nos yeux pour disqualifier les hypothèses suggérées ici, d'autant que Ducoulombier s'est réellement plongé dans la vie du parti – ainsi par exemple à travers la section de Melun (p. 290) – au-delà des archives des organes de direction français et internationaux qui, il est vrai, constituent l'ossature première de ce travail.

Situons-nous néanmoins dans la perspective de Ducoulombier et de ses choix méthodologiques pour tenter de saisir la pertinence et/ou les limites éventuelles de ses principales hypothèses, notamment celles qui sont relatives à la « régénération » (qu'il appelle aussi « soif de pureté », entre autres). Selon lui, « l'essentiel est que, dans une Europe meurtrie par la guerre, toute une génération de jeunes militants a ressenti l'intense besoin de s'étiqueter communiste pour se distinguer radicalement d'un socialisme officiel compromis dans la guerre » (p. 153).

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