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JORLAND, GÉRARD. Une Société à soigner: hygiène et salubrité publiques en France au XIXe siècle. Paris: Gallimard, 2010. ISBN 978-2-07-012615-6. Pp. 361. 27 a. Un paradoxe constitue le point de départ de l’étude de Gérard Jorland: alors que les principes scientifiques et sociaux qui sont à la base du mouvement de l’hygiène publique moderne furent très tôt connus en France, ce furent d’autres pays (en particulier l’Allemagne et la Grande-Bretagne) qui les mirent plus rapidement en application. Jorland en conclut que les bouleversements politiques successifs au cours du dix-neuvième siècle empêchèrent longtemps l’émergence d’un Etat au régime constitutionnel stable, et donc capable d’imposer des normes de santé publique à travers le pays: “son instabilité obligeait l’Etat à se soucier de sa propre viabilité avant celle de la société française” (323). En faisant de l’hygiène publique une “épistémè”, Jorland signale l’influence de Michel Foucault. Il est certain que le domaine d’études auquel s’est consacré l’auteur d’Une Société à soigner dépasse largement le champ médical, pour s’étendre à une vaste gamme de faits socio-économiques: Se donnant pour mission de supprimer les foyers d’infection qui minaient la société, l’hygiène publique est intervenue dans tous les domaines: égouts et voieries, orientation et hauteur des bâtiments, alimentation et travail, fumier et mares, pollution industrielle et urbaine, prisons, casernes et hôpitaux, mais aussi prostitution et déviances sexuelles, alcoolisme, goitre et crétinisme, crimes et suicides. (12) Jorland ajoute à un impressionnant travail de recherche documentaire de fréquentes références aux grands auteurs du dix-neuvième siècle, pour qui les conséquences médicales de la misère ouvrière urbaine et de l’arriération des campagnes constituaient des thèmes de prédilection. Même si certaines mesures de santé publique furent très tôt préconisées par des médecins hygiénistes (la vaccination obligatoire, le tout-à-l’égout, l’assainissement des logements insalubres, l’inspection sanitaire de la chaîne de l’alimentation), ce n’est qu’à la fin du siècle, et en partie en raison de la sévère défaite militaire de la guerre franco-prussienne, que le gouvernement français commença à mettre en place une véritable politique d’hygiène publique. L’auteur consacre d’ailleurs quelques pages aux conséquences militaires des carences de l’Etat en la matière. On connaissait les facteurs industriels et logistiques qui contribuèrent à l’effondrement de l’armée française en 1870 (les insuffisances du système ferroviaire français, la supériorité technique de l’artillerie prussienne, etc.). Jorland affirme pour sa part que “l’armée française fut décimée par une épidémie de variole” (286), alors que, grâce à une politique de vaccination obligatoire, la maladie avait peu touché les soldats prussiens. En dehors des maladies infectieuses, la mauvaise qualité des produits alimentaires , auxquels on ajoutait souvent des éléments nocifs (tel le plomb), aggravait une situation sanitaire dont les enfants étaient les premières victimes: “La falsification du lait combinait tous les traits saillants de la France du dixneuvi ème siècle: un produit agricole, la misère ouvrière, la mortalité infantile, l’ingéniosité industrielle, la faiblesse de l’Etat” (213). Les effets réels de l’insalubrité publique ayant longtemps été interprétés comme autant de signes de décadence sociale, voire raciale, Jorland consacre deux chapitres (7 et 8) au “fantasme de la dégénérescence”, qui était lié au faible taux de natalité en France, par comparaison avec ses voisins européens (une situation qui est de nos jours inversée). Dans le chapitre 10, l’auteur réévalue le rôle (qui a fait l’objet de polémiques récentes) Reviews 645 joué par Louis Pasteur dans le développement d’une nouvelle approche face aux maladies transmissibles. Comportant de nombreux détails techniques tout en restant lisible, Une Société à soigner...

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