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TROUILLOT, LYONEL. Yanvalou pour Charlie. Arles: Actes Sud, 2009. ISBN 978-2-74278533 -9. Pp. 176. 18 a. Depuis le tremblement de terre en Haïti le 12 janvier 2010, on a pu constater l’extrême pauvreté du pays, ne serait-ce qu’en voyant les images à la télévision. Bien qu’aucune couche de la population n’ait été épargnée par le séisme, l’étendue de la misère et du silence dans lesquels vit la majorité de la population—et ce avant même qu’elle ne subisse cette catastrophe ahurissante—ne passe plus inaper çue. Publié moins d’un an et demi avant le séisme, Yanvalou pour Charlie (Prix Wepler-Fondation La Poste, 2009) présente l’histoire de Mathurin D. Saint-Fort, avocat port-au-princien à succès, qui cache toutefois d’humbles origines. Ayant passé les quinze premières années de sa vie dans un petit village, Mathurin ne tarde pas à se métamorphoser dès son arrivée dans la capitale. Aussi choisit-il de perdre la mémoire afin de se dépouiller d’un passé rebutant, voire inconvenant dans son nouveau milieu. Ne gardant de son deuxième prénom que l’initiale pour dissimuler un nom qui “sent[ait] trop la campagne” (39), il ne vise qu’à gravir les échelons: [Le quartier] que j’habite actuellement est convenable, mais il y a, le matin, quand la vie se réveille, une odeur de basse-cour qui envahit la rue et l’écho de voix sales qui crient dans le lointain. Le but du jeu est simple: c’est d’échapper aux cris. (20) Le parcours pour le moins impressionnant de Mathurin—on voudra bientôt le promouvoir au grade d’associé—risque de se transformer en catastrophe lorsqu’un jeune homme crasseux s’introduit dans son cabinet et lui demande: “C’est toi, Dieutor?” (26). Mathurin a beau chercher à renvoyer illico cet intrus, il est déjà trop tard: “[Charlie] a brouillé tous mes repères, cassé la mécanique qui me confortait dans un vivre sans hier” (36). Mathurin finit par installer Charlie chez lui et apprend tout sur sa vie d’orphelin et sur la bande d’aigrefins dont il faisait partie au Centre du père Edmond. Qui plus est, lorsqu’il entreprend d’aider Charlie à régler des affaires personnelles, Mathurin se met non seulement à revisiter son propre passé refoulé mais découvre la réalité crue de la déliquescence port-au-princienne qu’il s’obstinait à ignorer. Ce beau roman pénétrant de Trouillot est divisé en quatre chapitres, chacun portant le nom d’un personnage que l’on aborde en profondeur: Dieutor, Charlie, Nathanaël (leader de la bande au Centre) et Anne—une jeune femme restée au village le jour où Mathurin est parti. Il importe de noter qu’avant l’irruption de Charlie dans sa vie, Mathurin se préoccupait visiblement de la précarité de ses réussites: Nous sommes des presque riches. Cela veut dire que nous avons un emploi, dans un pays où l’emploi est une denrée très rare [...] Nous avons aussi un statut, un avenir [...] Des presque riches. Tenant compte de la loi de l’unité des contraires, nous sommes aussi des presque pauvres. Un glissement, un accroc, et tout peut s’effondrer. (19) Le monde de Mathurin ne s’effondre pas suite aux bouleversements déclench és par Charlie. Au contraire, à force de descendre dans les bas-fonds de la société haïtienne, Mathurin commence à valoriser un passé depuis longtemps révolu et à se situer non par rapport à un quelconque rang social, mais à partir de liens solidaires tissés avec autrui. Empreint d’une humanité viscérale, Yanvalou Reviews 869 pour Charlie nous propose une image poignante d’Haïti qui s’avère tout aussi profonde que préoccupante, et à travers laquelle Trouillot semble nous dire que pour “échapper aux cris”, il faut aller à leur rencontre et ne plus jamais les passer sous silence. Boise State University (ID) Jason Herbeck 870 FRENCH REVIEW 84.4 ...

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