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EL OUADILI, RAJA. La vierge dans la cité. Montréal: Guy Saint-Jean, 2009. ISBN 978-289455 -054-0. Pp. 218. $22,95 Can. Raja El Ouadili, native du Maroc vivant au Québec depuis 1991, signe ici son premier écrit et nous plonge au cœur d’un monde peuplé de femmes. Ce livre audacieux est un recueil de nouvelles comportant vingt-et-un portraits de Marocaines. Au vu du sujet traité, l’écrivaine est propulsée au rang de ces défenseurs des droits à la vie, à l’émancipation sociale et à la quête de liberté. Car la virginité et ses échos sur le devenir féminin—en dehors et au sein du mariage—demeurent, par bien des aspects, un tabou enraciné dans la mentalité arabo-musulmane. Le fait que la trame narrative s’ouvre avec “la cérémonie du bain, le rituel de purification qui coupe court avec le passé et met Nora, une nouvelle mariée, aux portes de l’avenir” (11) jusqu’à la finalisation du lien sacré du mariage avec Aziz, “un homme de dix-huit ans son aîné” (21) révèle clairement que le mariage, dans le contexte marocain, est une affaire très sérieuse qui exige un protocole bien spécifique et le respect de coutumes séculaires. Mais ce qui semble crucial, c’est “le rituel du sbohi, le lendemain de la nuit de noces” (213), où le sang de l’offrande est fièrement affiché “pour récompenser la mariée de sa chasteté bien gardée” (205). C’est autour de cette cérémonie que plusieurs histoires brèves, qui se passent principalement au Maroc avec quelques échappées au Québec, sont reliées. Elles présentent des Marocaines mariées, veuves ou célibataires , préoccupées par leur avenir, enchevêtrées dans leurs racines et assoiffées de changement. Ainsi, cet écrit aux multiples regards offre-t-il pour l’essentiel l’incontournable réalité du déchirement entre tradition et modernité, au gré de récits féminins graves et touchants, privés ou publics, portés par une sincérité de ton. Il recèle les désillusions de jeunes femmes qui revendiquent une certaine liberté et souhaitent affirmer leurs désirs d’émancipation dans un contexte social et culturel qui continue à se conformer aux normes de la pure tradition musulmane. Profondément douloureuse, la scène de la séparation de Nora et de son amoureux Habib est marquée de regrets, de pertes et d’impuissance. Le geste qu’elle fait à la veille du mariage, en jetant la clé de son passé à la mer pour se préparer à une nouvelle vie, est lourdement significatif. C’est que, pour une Marocaine, toute tentative de révélation ou de partage de l’intime et du jardin des secrets peut se révéler décisive et destructive. Car, s’il advient qu’elle perde sa “pureté”, la honte absolue tombe catégoriquement. Sur elle d’abord, qui ne sera jamais une femme respectée, car considérée comme “une libertine dont les parents ne savent pas tenir la laisse” (43), sur sa famille, ensuite, qui n’a pas su la surveiller et protéger l’honneur, et par conséquent, ne peut lever la tête fièrement et honorablement le jour du mariage. C’est ainsi que la préservation de la virginit é apparaît comme l’épée de Damoclès. En fait, chaque histoire présente la vérité oppressante, en révélations serrées et profondes de cette réalité qui s’impose de façon incontournable et dont les conséquences restent tragiques. La vierge dans la cité dessine subtilement les contours de la Marocaine moderne ou traditionnelle dans toute sa complexité. C’est que, observatrice attentive des transformations qui secouent sa société, l’auteure nous livre le fruit de ses préoccupations dans un style épuré, empreint d’éclairs poétiques ou d’une oralité plus ancrée dans le quotidien, avec ses blessures, ses déchirures et ses déceptions. Elle dépeint l’évolution du temps, l’hypocrisie...

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