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cherche. Je cherche partout. [...] Mais je n’entends que le bruit sec des armes que l’on recharge et le crissement acide des couteaux qu’on aiguise. (37–38) Ce sinistre “on” désigne non seulement la classe politique qui s’est permis, dès janvier 2000, de gracier ces meurtriers sans qu’aucune forme de procès n’ait été envisagée, contrairement, par exemple, au Rwanda où les gaçaças, tribunaux populaires , font partie intégrante du processus de réconciliation, mais aussi les discours de ceux que les massacres ont épargnés. Face à ces injustices, Bey sort de l’anonymat et du silence l’une de ces femmes dont la vie a été brisée par la guerre civile et nous rappelle que ces nouvelles lois garantissant l’impunité à ceux qui portent désormais le surnom de “repentis” sont humainement inacceptables pour les familles des victimes. Le “je” très personnel, parfois intime d’Aïda, résonne ainsi en écho d’autres mères en détresse entrevues au cimetière, et prend rapidement un aspect collectif. Après s’être consacrée à la guerre d’indépendance algérienne, Maïssa Bey revient, avec ce septième roman, à la période qui l’a initialement poussée à rompre le silence par l’écriture pour mieux combattre “le culte du caché” et ne plus laisser “les voiles épais du silence” (164) bâillonner les victimes, et plus particulièrement les femmes. C’est à l’aide d’une écriture sobre mais poétique que l’auteure nous propose une réflexion sur le thème de la réconciliation à travers la dure réalité d’une femme victime du terrorisme. Mais pour la narratrice du roman et tant d’autres, toute réconciliation, qu’elle soit avec le tueur, le gouvernement ou sa douleur, semble impossible. Pour Aïda, la délivrance ne peut venir que d’une seule manière: ne plus subir et prendre, seule, sa revanche sur ce destin qu’elle n’a pas su, comme tant d’autres Algériens, déchiffrer à temps. University of Cincinnati (OH) Étienne Achille BINET, LAURENT. HHhH. Paris: Grasset, 2009. ISBN 978-2246-76001-6. Pp. 448. 20,90 a. Goncourt du Premier Roman en 2010, HHhH (ou “Himmlers Hirn hei␤t Heydrich—le cerveau d’Himmler s’appelle Heydrich”) dévoile les dessous de l’opération “Anthropoïde” qui eut pour but, en 1942, d’assassiner Reinhard Heydrich, chef de la Gestapo, chef des services secrets nazis, et “planificateur de la solution finale”. HHhH n’est pas le seul roman contemporain à s’intéresser aux horreurs du nazisme et à ses transgresseurs, loin s’en faut. On pense tout de suite aux Bienveillantes de Jonathan Littell, mais Binet se démarque de celui-ci sur deux points: aucun effet de manche postmoderne ni de nihilisme houellebecquien qui plombe l’œuvre de Littell. Bref, ce roman tient, d’abord et avant tout, à coller au réel. En cela, Binet va chercher son inspiration dans la tradition socioréaliste d’une part, mais aussi chez Perec. Je veux parler ici de “l’infra-ordinaire”, cette exploration de l’ordinaire que Perec nomme aussi “l’endotique” (à l’opposé de l’exotique—qui fait depuis toujours les beaux jours du roman, de Gaston Leroux à Michel Houellebecq). C’est donc un “infra roman” (327) que Binet entreprend d’écrire, une œuvre qui a pour but de faire du romanesque tout en dénonçant les ficelles, un texte qui veut rester au plus proche de la vérité historique. Or, le projet de Binet est irréalisable. La vérité historique qu’il souhaite servir lui échappe en permanence, elle est insaisissable dans son infinie variété, dans Reviews 205 son mystère, dans l’absence de témoignages, dans la confusion de ceux-ci. Cela explique les nombreuses hésitations de l’auteur, ses obsessions, qui traversent le texte comme autant de lignes de faille. On pourra admirer la lucidité de l’auteur, son honnêteté, sa franchise, dès lors qu’il n’hésite pas à avouer ses limites et exposer les apories de son texte. Pour autant, cette...

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