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sait que ce qui lui arrive est de l’ordre du quotidien dans certaines dictatures africaines . La mort de Bamezon, située au milieu du roman, est pour l’auteur l’équivalent de “ténèbres à midi”, heure à laquelle les deux hommes avaient pris rendez-vous. Profondément affecté par le décès de son nouveau complice, le narrateur tente de refaire l’itinéraire de celui qui aura été son guide dans les ténèbres de la ville, comme s’il voulait reconstituer un personnage pour pouvoir mener à bout l’idée qu’il s’en fait. Ce troisième roman d’Ananissoh ne dévie pas de la tradition, car l’auteur y jongle toujours autant avec les ambivalences, déterminé à se faire le témoin d’une histoire qu’il qualifie à plusieurs reprises de sale, de puante, de tachée de sang. On comprend que, pour lui, celui qui revient après une longue absence change de regard comme s’il avait perdu l’habitude de son pays. On aurait peut-être aimé que le livre se termine exactement au moment où est décrit le rite présidentiel afin de pouvoir donner à l’ensemble une fin percutante, voire choquante. Et pourtant, il semble essentiel de noter que les cinq dernières pages de ce roman court mais substantiel sont en fait une transition nécessaire vers l’extérieur, un espoir de libération et d’ouverture pour les autochtones écrasés sous la tyrannie. C’est surtout, pour le narrateur, un retour vers la vie familière et rassurante de l’exil. Western Kentucky University Karin Egloff BEY, MAÏSSA. Puisque mon cœur est mort. La Tour d’Aigues: L’Aube, 2010. ISBN 978-28159 -0000-3. Pp. 256. 17,80 a. L’impuissance, l’angoisse, la haine, le désespoir et la douleur sont autant de sentiments qui animent l’héroïne Aïda, une femme algérienne de 48 ans. “Comment en sommes-nous arrivés là? ” (145) se demande-t-elle, alors que ces émotions l’assaillent sans répit depuis qu’elle a perdu son fils unique de 24 ans, Nadir, assassiné par un extrémiste religieux quelques jours auparavant. À tout cela s’ajoute la culpabilité car Aïda est professeure d’anglais à l’université, divorcée et ne porte pas le voile. Son refus de se laisser intimider et de se conformer aux traditions est remarquable de courage mais fait d’elle une cible évidente pour ceux qui terrorisent l’Algérie des années quatre-vingt-dix. Anéantie, aux portes de la folie, Aïda décide d’entamer un dialogue avec son fils disparu. Tous les soirs, sur des cahiers d’école, elle écrit à Nadir ce qu’elle ressent, ce qu’elle vit ou a vécu depuis son assassinat, afin de le retrouver pour quelques instants et de briser la solitude et le silence qui sont désormais ses seuls horizons. “La souffrance est incommunicable ” (88), écrit-elle un soir. Pourtant, son soliloque qui transforme sa peine en fil conducteur dément cette affirmation. Puisque mon cœur est mort est un roman épistolaire composé de 50 lettres adressées par Aïda à Nadir. Cette correspondance explore les sentiments de son auteure qui s’indigne de l’instrumentalisation criminelle de la religion et se révolte contre l’opportunisme du programme politique de réconciliation qui amnistie les intégristes au nom de l’unité et de la cohésion nationale. En effet, Rachid, l’assassin de Nadir, a bénéficié de ce pardon: On me parle de réconciliation. On me parle de clémence. De concorde. D’amnistie. De paix retrouvée, à défaut d’apaisement. À défaut de justice et de vérité. Alors je 204 FRENCH REVIEW 85.1 cherche. Je cherche partout. [...] Mais je n’entends que le bruit sec des armes que l’on recharge et le crissement acide des couteaux qu’on aiguise. (37–38) Ce sinistre “on” désigne non seulement la classe politique qui s’est permis, dès janvier 2000, de gracier ces meurtriers sans qu’aucune forme de procès...

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