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Nous les avons perdus pour nous retrouver” (7), conclut le narrateur au moment de quitter ce monde. L’histoire fantastique de Zanipolo peut alors commencer. Alliance Française de Denver (CO) Jean-François Duclos PALOU, ANTHONY. Fruits & légumes. Paris: Albin Michel, 2010. ISBN 978-2-226-215185 . Pp. 160. 14 a. Dans ce roman à la première personne, le personnage du narrateur, né en 1965 à Quimper, raconte sa vie avec en toile de fond l’histoire du commerce familial de fruits et légumes: “Fruits A. Coll. Primeurs”. Le récit décrit la manière dont le grand-père du narrateur quitte Majorque en 1936 et épouse une Bretonne pour fonder une “dynastie” de maraîchers aux Halles de Quimper. Après les années de prospérité, vient la banqueroute, résultat de la compétition avec les grandes surfaces, d’un incendie aux Halles, et de la mauvaise gestion du père du narrateur: Pour tout dire, mon père n’eut jamais le virus ni du fruit ni du légume, encore moins celui du commerce. Comment devint-il commerçant? Disons qu’il continua l’œuvre de mon grand-père [...] Sauf que le bon sang du commerce ne circulait pas très bien dans ses veines; il vira en eau de boudin. (29–30) Imprégné d’un sentiment de fatalité, le récit est sans surprise: une enfance en province vécue sous le signe de la maladie (le narrateur est épileptique), les étés à Majorque, le mal de vivre adolescent, aggravé par la conscience de l’échec paternel et du déclassement social, les ambitions artistiques déçues, finalement le bilan de la situation présente: peintre en bâtiments, marié avec enfant, aquarelliste le dimanche, la stabilité petitebourgeoise , l’ennui et un sentiment de vide. Quant à mon père, tout recroquevillé, il m’observe d’un regard las, ne demande pas ce que je suis devenu. Il a raison: pas grand-chose [...]. Je communie avec mes semblables dont la vie est un champ de navets: ratés de tous les pays, unissez-vous! (149) Les personnages sont toujours nolens volens rattrapés par leur milieu et l’inertie d’une vie médiocre. Les vies, les volontés, les amours, les passions s’engluent dans l’amas des faits quotidiens, le poids des phrases prêt-à-porter, les idées étroites et les clichés existentiels. L’imparfait de la description se substitue au passé simple et vient souligner l’aspect non événementiel de cette vie où le contexte et le milieu tendent à remplacer l’action individuelle. Le fait que la description historique et culturelle aligne les stéréotypes souligne encore cette dimension conventionnelle: Mon Espagne fut celle de Franco. Celle de la terre battue, des ânes, des Vespas, des tricycles à moteur transportant citrons, oranges, mandarines, des Seat 500 et 600, des carrioles, des types au teint verdâtre écartant le rideau de perles d’un bistrot vide. Mon Espagne empestait la pompe funèbre, l’urine et le flamenco, danse la plus sinistre qui soit avec le tango et la gavotte. [...] Des prêtres, noirs corbeaux sans ailes, officiaient dans des églises glacées. Ça sentait les vieux os et le cierge. (75) 406 FRENCH REVIEW 85.2 Chaque personnage tente à sa manière d’échapper au poids des réalités et des conventions. Pour le père, c’est le jeu qui sert d’échappatoire, pour le fils (qui est aussi le narrateur), c’est le cynisme et la complaisance qui colorent un texte dans lequel il est difficile de faire la part de la nostalgie et du ressentiment: [Ê]tre amoureux de la petite-fille du charcutier, voilà qui était bien ma veine et bien ma peine. [...] Marie se maria dès l’âge de dix-huit ans avec un clerc de notaire [...] Ils divorcèrent trois ans plus tard. C’est alors que je réapparus [...]. Son cerveau était un véritable courant d’air. C’est sans doute pour cela que je l’aimais puisque [...] il s’avéra que je fus toujours attiré par le vide. (56–58) Palou présente...

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