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Soixante-quatrième Festival de Cannes 2011: l’ère de la peur. Dans la forêt des quelque 1700 films des cinq continents soumis à la sélection , il n’y en aura que vingt choisis, plus deux en ouverture et clôture (Woody Allen et Christophe Honoré) et les sections parallèles. On a rarement vu une palette aussi prestigieuse de grands metteurs en scène: Ramsey, Moretti, les Dardenne, Malick, Kaurismaki, von Trier, Dumont, Almodovar, Ceylan—qui dit mieux? Mais les Grands n’apportent pas toujours le meilleur: il est fréquent qu’ils déçoivent au fil des années. Pour ma part, mes trois coups de cœur vont à von Trier, Malick et Ramsey. Deux thèmes dominent le Festival: la religion avec le virage à droite, et l’enfance dans notre monde sinistré. Que des réalisateurs de gauche athées choisissent et traitent sans animosité de la religion et de la droite a de quoi nous laisser perplexes. Est-ce un compromis ou une plus grande humanité? À tout seigneur, Habemus Papam annonce la nomination du nouveau pape selon des rites ancestraux, le conclave des 180 cardinaux ; la fumée est blanche, le pape est élu, celui de Nanni Moretti est fictif, c’est Michel Piccoli, encore faut-il qu’il accepte? De l’humilité à la terreur panique devant les responsabilités qui vont lui échouer, est-il capable de régner? Prosternation devant l’étonnante splendeur rouge des allées et venues dans le Vatican et la Chapelle Sixtine (en studio) par la caméra d’Alessandro Pesci. Moretti joue le psychiatre en consultation sur la santé mentale du nominé, sans dérision—entre confession et analyse, la scène est hilarante.Tandis que le conclave en robe fait une partie de ballon à la Fellini, Piccoli se perd dans la vie romaine à la recherche d’un cappuccino. Les sérieux scandales récents du clergé seront pour une autre fois. On connaît la rigueur minimaliste du cinéma de Bruno Dumont. Dans Hors Satan (Vade retro Satana?) nous suivons pendant deux heures, dans l’empire des sables, des dunes et des oyats, près de la mer du Nord, un homme braconnier/ gourou solitaire (David Dewaere) et la fille qui le nourrit d’abord, puis l’accompagne . Personne n’a de nom. Il tuera le beau-père de la fille qu’il a violée, puis il tabasse le garde de la réserve. Tourné en long plans, les personnages se rapprochent pour s’arrêter en gros plans devant la caméra en scope d’Yves Cape. L’atmosphère et les paysages du Pas-de-Calais rappellent irrésistiblement les romans de Bernanos, sans qu’il y ait une vraie thématique chrétienne, juste l’angélus du soir quand le couple en prière s’agenouille—sans musique, seul le son aigre des oiseaux. Réalisme énigmatique: mystère et violence, une sorte de viol et de miracle en final. Impossible de séparer les deux chefs-d’œuvre de cette année, deux odyssées visuelles, symphoniques, non-linéaires, structurées en chapitres non-chronologiques , laissant place à l’inexplicable. Malick et von Trier nous donnent le meilleur de leur œuvre, pourtant si dissemblable—deux splendides épiphanies, mystiques et cosmiques. Choisir entre la Nature et la Grâce. Au fond, cette dualit é est au cœur de l’œuvre de Malick depuis Days of Heaven. Son cinquième film est une épopée bien plus vaste. Du Requiem initial de la mort d’un fils, du noir aux fulgurances de lumières jaunes, métaphore astrologique de la naissance du monde avant l’homme et de son évolution constante: Tree of Life (Palme d’Or). Au centre de la nébuleuse, dans une petite ville de l’Ouest, vers les années 50, une “sainte famille” américaine idéale à la Norman Rockwell: le Père parfait comme Job (Brad Pitt) est musicien, jardinier, chasseur, la Mère docile est amour (lumineuse Jessica Chastain) avec les trois fils élevés dans une tradition chrétienne , trop rigoriste, d’où naîtra la haine de l’aîné contre le...

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