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voire mise en œuvre: des écrivains de par le monde se sont engagés à réagir au tremblement de terre en Haïti par le biais de la littérature. Parmi les écrivains ayant publié un livre ou contribué à des collections d’essais sur l’événement, nombreux sont ceux qui évoquent le côté pulsionnel ou thérapeutique de l’acte d’écrire. À en croire Laferrière, “Tant que j’écris, rien ne bouge. L’écriture emp êche les choses de se briser” (12). Remarquons toutefois que Tout bouge autour de moi, un texte saisissant qui à maints égards complète les essais et entretiens de l’écrivain déjà parus sur le séisme, se présente sous forme de chapitres fragment és qui ne dépassent jamais trois pages en longueur. Ainsi se succèdent, tel un diaporama , des images tirées du vécu de l’écrivain qui sont juxtaposées avec ses réflexions sur la presse internationale accourue au pays, le rôle des religions, la destruction du Palais National, la soi-disant “malédiction” haïtienne et la nostalgie —cette “vie d’avant le 12 janvier” (121). La perspective et le ton du recueil ne cessent de changer, tantôt décrivant la transe des chiffres des disparus—“Un chiffre rond, clair, nous paraît plus tolérable” (101)—tantôt s’interrogeant sur le rire gras haïtien comme moyen de guérir le traumatisme. En raison de la structure fragmentée du récit, la lecture cousue que l’on en fait s’avère en quelque sorte emblématique du travail de reconstruction. Dans et devant un Haïti dévasté, il faut que l’on affronte entre autres l’identité en miettes, la perte des repères et la nécessité de commencer une nouvelle vie. Tout en signalant le soutien matériel et sentimental qu’il souhaite de la part de la communaut é internationale, Laferrière ne cesse d’invoquer l’âme culturelle et artistique dont l’avenir d’Haïti dépend: “Le matériau le plus important [pour reconstruire], c’est encore l’esprit” (145). C’est dans ce sens que cette chronique—dont notamment les chapitres où il s’agit de petites scènes intimes saisies au passage—nous fait éprouver l’urgence de la littérature en temps de crise. En témoigne le portrait émouvant que l’écrivain nous livre de deux êtres campés sur le terrain de tennis où il a lui-même passé deux nuits: Cette grand-mère, pas loin de moi, est en train de substituer des images horribles par des chansons et des mythologies qu’elle tire de sa mémoire vacillante. [Son petit-fils] ne se rappellera, un jour, que de la voix de sa grand-mère dans la douceur de l’aube. (79–80) Dans un chapitre intitulé “Pourquoi écrivez-vous?”, Laferrière explique: “Je tente de récupérer des émotions et des sensations si subtiles qu’elles ne peuvent intéresser la presse, plus friande d’éclats” (97). Auparavant, il note: “Le pire n’est pas l’enfilade de malheurs, mais l’absence d’humanité dans l’œil froid de la caméra” (95). Mêlant l’intime et l’universel, les observations et portraits présentés dans ce petit texte incisif et sobre nous offrent un beau plaidoyer en faveur d’Haïti et de la littérature au sens le plus large. Boise State University (ID) Jason Herbeck LALUMIÈRE, JEAN-CLAUDE. Le front russe. Paris: Dilettante, 2010. ISBN 978-2-84263192 -57. Pp. 253. 17 a. Délicieux roman des premières fois (premier poste, premier appartement, quasi première maîtresse), Le front russe dépeint la désopilante descente en enfer Reviews 595 d’un petit fonctionnaire, qu’on ne remarquerait presque pas, tant il est incolore. Pourtant, il est aussi l’élément déclencheur de toutes les catastrophes qui tapissent ce livre de part en part. Armé de ses meubles IKEA, le jeune poulain gonflé d’ambition monte de Bordeaux à Paris. Là, les illusions meurent vite, par exemple, quand il apprend qu’il est...

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