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ce récit pourrait faire partie d’un groupe de fictions toujours plus important depuis plus de trente ans appartenant au genre “fictions d’affaires” qui critique la société/l’entreprise affairiste, un genre florissant au dix-neuvième siècle (avec Balzac et Zola comme représentants les plus célèbres) et qui s’épanouit jusqu’à aujourd’hui, pour le meilleur (avec L’argent, l’urgence de Louise Desbrusses et Supplément de Xabi Molia) et pour le moins bon (les fictions “industrielles” de droite de Paul-Loup Sulitzer ou idéologiques de gauche de Missen). La renaissance de ce genre avait commencé avec L’imprécateur de René-Victor Pilhes, roman auquel cette fable ressemble par plus d’un aspect. Comme pour les meilleurs récits, tout en incluant le sociologique, la fable claudélienne va pourtant au-delà et certains critiques l’ont justement comparée à celles de Kafka, en particulier Le château avec son Arpenteur. Toutefois, Claudel y a parfois ajouté une dimension didactique qui, malheureusement, manque parfois de subtilité: “L’homme a créé l’ordre alors qu’on exigeait rien de lui. Il s’est cru malin. Grand mal lui a pris” (200). La Ville ici décrite représente aussi un monde entre celui de Brave New World et celui de 1984. Certains passages font aussi penser à ceux de Vian de L’écume des jours, notamment la description de l’usine et plus encore l’humour, surréaliste et noir: “Il ouvrit sa valise [...] le fait qu’elle cont înt une perceuse, un jeu de mèches pour bois [...] ainsi que cinq culottes de femme, deux soutiens-gorge, une Bible en néerlandais, un pantalon de jogging vert pomme” (171); ou “par-dessus le marché, il devenait philosophe” (183). L’exergue, “Ne cherche rien. Oublie”, extrait du film inachevé L’enfer (1964) de Henri-Georges Clouzot, semble d’abord sans rapport direct avec la fable puisque le film raconte l’histoire d’un couple qui se torture; mais au-delà de l’atmosphère et la description de la déchéance humaine, le caractère dantesque du titre même est confirmé par une série d’indices comme “l’hôtel de l’espérance”, certaines phrases comme “un paradis chauffé aux flammes de l’enfer” (164) et “L’Enquêteur exp érimentait l’oubli, qui permet à bien des hommes de ne pas mourir trop vite” (194). C’est donc une fable bien construite, riche de références intertextuelles internationales, fantastique et pourtant bien réelle, et qui, sauf à quelques rares occasions où l’auteur n’évite pas un certain didactisme, confirme Claudel comme un écrivain des plus intéressants, promis au succès (parce que loin de certains textes parfois trop germanopratins) dans le monde anglophone aussi. University of Alberta (Canada) Chris Reyns-Chikuma COHEN, LAURENT. Sols. Arles: Actes Sud, 2010. ISBN 978-2-7427-9318-1. Pp. 165. 18,80 a. Ce curieux roman, le premier de Cohen, débute par un mélange d’érudition et d’effronterie. Au sortir d’un colloque consacré à “l’âme et au temps”, un spécialiste de la France de Vichy—Loïc Rothman—aborde S.G., expert de l’histoire des religions. Rothman possède un document rédigé pendant l’Occupation par un certain Valéry Danteuil, philosophe cosmopolite dont on ne sait rien ou presque. Truffé de références aux trois monothéismes, le contenu de ce carnet échappe à sa compréhension. Il propose à S.G. de collaborer à une édition scientifique qui croise commentaires historiques et théologiques. La première partie de Sols retrace, par chapitres alternés, le parcours de ces deux hommes voués aux textes et aux archives, et pour qui les mots sont tout à la fois source infinie Reviews 781 d’ironie et gouffre insondable. Le lecteur comprend vite qu’il n’a pas affaire à un récit comme les autres. À la narration principale de ces deux voix s’ajoute une escorte de renvois de bas de page bibliographiques, de digressions érudites et d’éclaircissements vers des domaines aussi pointus que l’histoire de la délation sous Vichy ou...

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