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Au fond, cela pourrait être n’importe qui, vous ou moi. Le discours se découd de plus en plus, les phrases ne sont plus finies et finalement, toute ponctuation dispara ît: “mes vêtements collent à” (131), “en rampant sur une dizaine de” (135) ou bien encore “Regroupés les uns contre les” (143). À la fin, ces “ils” sont devenus comme les bêtes traquées de la scène d’ouverture, et le récit se termine avec cette phrase: “Les bêtes au regard effaré, qui fuyaient toutes dans la même direction” (149). Le moins qu’on puisse dire, c’est que ce texte est déroutant. L’impossible attachement à tout personnage rend la lecture déstabilisante. La tension s’accumule au fil des pages à mesure que l’atmosphère angoissante progresse. S’agit-il d’un commentaire négatif sur la condition humaine? D’une critique du bonheur artificiel et des apparences? D’une version de l’apocalypse? Chaque lecteur pourra y trouver sa propre parabole, y voir sa propre métaphore. Aucune réponse n’est donnée, et même le titre reste un mystère. Plutôt qu’à un début, on a davantage l’impression d’assister à une fin, dans le sens de mort. Une seule chose est sûre: si Jallon voulait que le lecteur, perplexe, se pose des questions, il a réussi. University of Iowa Cynthia Laborde LAHENS, YANICK. Failles. Paris: Sabine Wespieser, 2010. ISBN 978-2-84805-090-4. Pp. 160. 15 a. Le 12 janvier 2010, Port-au-Prince et ses alentours s’écroulent sous la sauvagerie d’une secousse tellurique d’une minute trente secondes. En un éclair cette ville tumultueuse et bigarrée, dévoreuse et pitoyable dans sa misère, se transforme en charnier, exposant à la face du monde ses entrailles infâmes. Pour Lahens, ce n’est pas “sa mise à nu forcée” (13) ce jour-là qui fut obscène, ce qui le fut et le demeure, c’est “le scandale de sa pauvreté” (62), l’ignominie de ce désastre dévoilant les failles profondes minant le pays. Comment faire comprendre ce scandale sans ressasser des banalités ou ajouter au voyeurisme des médias? “Face au malheur, comment faire littérature?” (66). Saisie par l’urgence, l’écrivaine délaisse l’écriture d’un roman d’amour entamé quelques semaines auparavant pour confronter la catastrophe. Pourtant, ses nouveaux protagonistes la talonnent. Nathalie et Guillaume, tels des êtres de chair, s’immiscent dans son écriture tout comme les personnages de la mère et de John l’Américain de son précédent ouvrage La couleur de l’aube. Pour Lahens, le métier d’écrivain exige de tourner autour des mêmes interrogations pour tenter d’y apporter des réponses. Mais quoi et comment écrire après l’apocalypse? Élaborer un travail de mémoire qui transcende l’événement, faire sortir Haïti de l’amnésie et du silence grâce aux mots qui touchent les lecteurs, participent de ce devoir. Pourquoi le pire s’acharne-t-il encore et toujours à frapper Haïti? Inévitable question qui taraude l’auteure et l’entraîne à exposer la complexité structurelle du pays en prenant appui sur diverses études reconnues. Si le séisme a été un hasard géologique, il a mis en évidence les failles historiques, sociologiques et anthropologiques qui rongent Haïti en profondeur depuis plus de deux siècles. Conjointement à la faillite des rapports Nord-Sud quant au type de développement à adopter, le clivage de la nation haïtienne fondé sur l’exclusion est à l’origine de la stagnation économique du pays et “bloque [la] société en deux modèles indépassables: maîtres et esclaves” (77–78). Les Créoles (mulâtres et Noirs enrichis) se sont appropriés l’outil de production alors que les Bossales (ou 990 FRENCH REVIEW 85.5 ‘Africains’) en ont été exclus. Ces inégalités et injustices se répercutent dans tous les domaines, comme celles de l’occupation de l’espace urbain que les ravages du tremblement de terre ont cruellement démontr...

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