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BEAUSOLEIL, JEAN-MARC. Blanc Bonsoir. Montréal: Triptyque, 2011. ISBN 978-2-89031707 -9. Pp. 180. $20 Can. Depuis le séisme en Haïti le 12 janvier 2010, de nombreux écrivains— haïtiens et autres—lui ont accordé une place importante dans leur œuvre. Que ce soit pour relater leurs propres expériences et observations, pour témoigner à la place de ceux qui ont souffert ou disparu, ou pour marquer une indignation à peine voilée face aux défaillances subséquentes des organismes gouvernementaux et humanitaires, leurs écrits se développent sous l’empreinte du désastre. L’ampleur de la tragédie aurait pu imposer aux écrivains de la région un thème imparable—un nouveau point de départ littéraire qui, au lendemain du séisme, s’est avéré aussi nécessaire que l’impératif de reconstruction clamé par le monde haïtien et international. C’est dans ce sens que Blanc Bonsoir, compte tenu de sa date de publication et du fait que l’action se déroule en Haïti, présente une lecture à l’envers. Car si le séisme en Haïti sert depuis deux ans de catalyseur de l’écriture, dans le roman de Beausoleil il n’engendre que la fin; le récit, narré à la première personne par Frédéric Latouche, professeur au Collège international français de Port-au-Prince, se termine subitement lorsque l’hôtel dans lequel ce dernier se trouvait au moment du tremblement de terre, s’effondre. Ayant ainsi relaté le dénouement inattendu du roman, je ne crois pourtant en avoir rien divulgué quant à la trame de l’histoire—laquelle, selon les dires de Frédéric lui-même, n’existe pas: “Assis à la terrasse du Sunset [...], je songe à écrire un livre sur Haïti où il n’y aurait pas d’intrigue. Un livre où il ne se passerait rien du tout [...]. Une constellation d’instantanés dont la juxtaposition formerait un portrait. Un Vésuve littéraire qui saisirait les gens là où ils sont, comme ils sont, sans explication. Un peu comme la peinture naïve haïtienne accole des dizaines de silhouettes sur une seule toile, mon album multiplierait les portraits en couleurs vives et chaudes” (90). Encouragé par ses amis à écrire un roman—“ça te donnerait un projet, autre chose à faire que de fumer des joints” (142)—Frédéric noircit donc les pages de son cahier. S’y esquissent au fur et à mesure sa vie de débauche à Montréal, son immigration impulsive en Haïti, l’histoire d’Haïti (dont des remarques arbitraires au sujet de la naissance de la colonie européenne sur l’île, Toussaint Louverture et Jean-Claude “Baby Doc” Duvalier), les divers individus (souvent douteux) de son entourage, et la construction interminable de l’hôtel Ballivet où Frédéric finit par s’installer avec sa copine, Louisiane. Certaines anecdotes et ruminations que l’on trouve au cours de cette “écriture automatiste” (142), dont l’intense engueulade nocturne entre un Haïtien et un soldat américain, servent à dépeindre de façon prenante les tensions de l’univers port-au-princien; d’autres, pourtant, nous semblent livrées d’une manière quelque peu gratuite. Qu’il s’y trouve souvent un fond de vérité n’empêche qu’on ne retient, à la lecture de certains passages, que l’amertume d’un expatrié dont le regard semble trop puiser dans le dédain du pays d’accueil: “L’épouvantable odeur de Port-auPrince . Parfum de pisse, de merde, de pétrole, de viandes en décomposition. [...] Une ville dépotoir qui s’étend, dans ses ultimes ramifications, comme un labyrinthe de pierre et de boue” (15). L’épilogue du roman nous apprend la mort d’une cinquantaine d’invités réunis pour l’inauguration inespérée de l’hôtel Ballivet. Dans les décombres, les secouristes ont trouvé le journal intime de Frédéric (mort lui aussi) qu’un éditeur s’intéresse à publier “en souvenir des disparus” (180). Or, étant donné l’ensemble 210 FRENCH REVIEW 86...

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