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Society and Culture edited by Frederick Toner BRUCKNER, PASCAL. Le fanatisme de l’apocalypse: sauver la terre, punir l’homme. Paris: Grasset, 2011. ISBN 978-2-246-73641-7. Pp. 280. 20 a. Depuis vingt ans, Bruckner pourfend le même monstre à travers divers livres et thèmes sociopolitiques: le pessimisme décadent de l’Europe, sa “pandémie de lassitude” (265), son “narcissisme de la malédiction” (94), sa “haine de soi” (98) et la victimologie revancharde de groupes communautaristes. Ici, il attaque l’écologie radicale, qu’il confond systématiquement avec l’environnementalisme réformiste, confusion qui compromet toute sa thèse. De plus, sa première mention de la deep ecology arrive tard (98), il exécute hâtivement son fondateur Arne Næss (132) et multiplie piques et citations tronquées. Il accuse l’écologie, “à la fois l’agent et le véhicule de notre désir de mort” (98), de souhaiter la destruction de l’humanité, et les écologistes de vouloir garder les pauvres dans leur misère, de pratiquer un nouvel impérialisme contre le sud, d’être simultanément des néo-pétainistes agraires, des Bolchéviques, des Maoïstes et des Khmers Rouges! Sous couvert de biocentrisme, les écologistes seraient en réalité des anthropocentristes radicaux et égotistes partagés “entre mégalomanie et humilité” (143). Leurs sentiments dominants seraient la crainte (le “plus grand parti de France, le parti de la peur ”, 103) et l’envie, qui créent pensée magique et superstitions apocalyptiques. Bruckner offre certains parallèles intéressants entre pessimisme religieux et catastrophisme environnemental, mais ses répétitions et exagérations fatiguent. Ce pamphlétaire acariâtre mélange les catégories politiques: selon lui, Eva Joly incarne le tout-répressif arbitraire (157) et José Bové est “maurrassien d’extrême-gauche” antisioniste, voire antisémite (175). Surexcité et aigre, Bruckner attaque aussi les sciences de l’environnement et l’écocitoyenneté, cette démocratie participative qui mobilise les initiatives individuelles pour l’environnement. Il conteste la nocivité du DDT, pourtant établie depuis Rachel Carson, vante les OGM et accepte complaisamment l’écoblanchiment des grandes entreprises. Sous le pamphlétaire sarcastique perce le réactionnaire qui, en outre, répète largement Le nouvel ordre écologique (1992) de Luc Ferry. Toutefois, le lecteur patient trouvera ici maintes perles. Bruckner réfute les faux idéaux: l’état de nature édénique (“une invention du Progrès ”, 142), le “néoindig énisme” des anthropologues alternatifs, les “mythes néo-primitivistes d’une certaine gauche américaine” (246), les utopies biocentriques et l’anthropomorphisation de la nature: celle-ci n’est ni bonne ni méchante vis-à-vis de l’humanité, elle est indifférente et ses messages, comme ceux de Dieu, sont multiples et contradictoires . Il rappelle que maintes civilisations ont déjà disparu et qu’une crise environnementale ou autre serait non la fin du monde mais “la fin d’un monde” (158). À l’échelle des temps géologiques ou cosmiques, l’humanité est insignifiante. Il réaffirme une confiance mesurée et critique dans la raison et les sciences, montre justement les ambiguïtés du principe de précaution et de la science citoyenne (159–94) et accepte plusieurs principes environnementaux, notamment “notre souveraineté sur les choses [...] à la fois démesurée et incomplète” (117), les limites et le danger des technologies (116) et la justice intergénérationnelle (191). Il offre plusieurs vignettes fascinantes: le lien entre automobile et libido (40-42), Rousseau le misanthrope, Thoreau le méditant et John Pitner le militant qui conçoivent la nature successivement comme fuite, fable ou forteresse (136–37), ou 196 FRENCH REVIEW 86.1 encore l’optimisme des Lumières confronté au désastre de Lisbonne en 1755 (194–97). Une réaction mesurée contre le catastrophisme de l’Europe est saine mais assimiler tout l’environnementalisme à une secte millénariste née de son malaise culturel et historique est faux. Chez Bruckner, la prolifération du vocabulaire du fanatisme, du charlatanisme religieux et des superstitions sectaires, et la polémique hargneuse qui confond les divers mouvements écologiques grèvent la...

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