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Pour chacun des trois, il y a deux histoires: celle du présent toujours en évolution, et celle du passé, qui persiste dans le présent et le construit. Hanté par ce passé, Vincent décide finalement de traverser la Méditerranée pour retrouver ses racines et peut-être celles de sa colère, de sa tristesse et de sa violence. Pour retrouver son peuple et surtout son père. Mais les retrouvailles entre père et fils après 30 ans de séparation s’avèrent insatisfaisantes, autant pour les deux hommes que pour le lecteur. Ce qui aurait dû être le point culminant du roman n’en semble pas un. Dans cette œuvre dure, triste, parfois un peu froide, mais d’un style d’écriture qui entraîne souvent le lecteur, Vincent et Anna sont tour à tour attachants et trop peu sympathiques pour que le lecteur s’intéresse vraiment à eux. La cruauté indifférente et sans remords avec laquelle Vincent traite un chien devenu son compagnon, répétant la violence qu’il a subie pendant son enfance, incite de l’empathie pour le petit qu’il était, tout en éloignant le lecteur, peut-être irrémédiablement , du Vincent adulte. Par contre, on aurait bien voulu en apprendre plus sur Mokhtar, personnage plus prometteur. Eastern Illinois University Kathryn M. Bulver LANÇON, PHILIPPE. Les îles. Paris: Lattès, 2011. ISBN 978-2-7096-3513-4. Pp. 450. 19 a. Premier roman avoué (l’autre ayant été publié sous un pseudonyme) du journaliste Philippe Lançon, il s’agit d’un livre d’auteur pour son auteur, entrepris , nous dit le narrateur éponyme, comme un “devoir de vacances” (14), au ton tour à tour sentencieux et désinvolte à propos du basculement dans la folie d’une amie. La tâche est suggérée au narrateur par son ex-épouse qui a, elle aussi, bien connu cette femme. Le texte énoncé à la première personne comporte différentes couches, d’abord le récit proprement dit de la descente aux enfers de la folie de Jad, avocate d’origine indienne à Hong-Kong, durant un séjour qu’elle fait à Cuba en compagnie de Jun, une Anglaise. Le voyage est présenté comme une sorte de pèlerinage que ces deux femmes ont décidé de faire sur les lieux qui ont marqué la relation amoureuse, maintenant dissoute, entre le narrateur et Marilyn, sa femme cubaine: “Marilyn et moi, nous avions attiré Jad à La Havane, pour qu’elle puisse vérifier cette image-là: la nôtre, seize ans plus tôt, dans la ville détruite qui nous avait rendus heureux” (243). En transparence apparaissent, bien entendu, les expériences et voyages passés du narrateur, l’histoire et l’échec de son couple qui avait été en quelque sorte consacré par cette île. Il y a aussi les histoires, modes de vie, paroles, crédos, visions du monde et ethos de chaque personnage croisé ou entrevu, ainsi que les lectures des uns et des autres (Wittgenstein, Hemingway, Stendhal, Echenoz, Vallejo, Melville, Cervantès) qui forment comme une nouvelle strate de signes venant saturer le texte sous forme de citations d’auteurs ou de références attachées par bribes aux hasards des rencontres et des voyages. L’expression très élégante, parfois lyrique, offre souvent de belles maximes, le narrateur passant sans difficulté du récit de la vie de ses personnages à celui de ses aventures, de ses échecs, de sa mélancolie. Au début du livre, les différentes couches du récit qui s’enchaînaient librement en mode digressif forment un style en parfaite harmonie avec la description des voyages, des rencontres, dessinant autant de strates mobiles qui glissent aisément les unes sur les autres. Dans la dernière partie du texte, toutefois, alors que le récit se concentre sur le basculement 606 FRENCH REVIEW 86.3 dans la folie de Jad, ces couches semblent devenir de plus en plus perméables et le signifiant en déroute marque progressivement son impuissance à arrêter un sens, une réalité aux contours fixes—le tout formant l’image...

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