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de poète et d’écrivain pour enfant. Le travestisme et la prostitution, pour Sophia/ David sont, avec l’écriture, un mode de vie minimaliste: “J’ai un appartement, et dans cet appartement, je tiens un bordel entouré de livres” (164). Le narrateur placé en marge de la société peut ainsi survivre dans une économie autosuffisante et sans compromission subie: “[l]ibre de créer ma propre économie, de gagner de l’argent avec ma propre production de livres de poésie. C’est tout de même plus réjouissant que de courber les épaules devant un patron” (17–18). Par sa position excentrique, sans attaches, sans obligations, la vie du narrateur opère une dénonciation des apparences dans lesquelles les hommes en société prétendent vivre, un refus des conventions sociales hypocrites, des mensonges qu’on se fait à soi-même, des prétentions, des arrogances, des ambitions: “Je ne ressemble à personne et à rien. Ce qui effraie tant la masse, il faut s’y loger, il faut l’adopter, l’eldorado est là, les terres les plus fertiles n’y ont aucun propriétaire [...] Pour qui devrais-je être quelqu’un? Pour tous ces hommes qui trompent leur femme? Ne plus exister est un bonheur” (195). Il reste au fond du livre une nudité humaine, par-delà le bien et le mal, audel à des arrangements que chacun croit devoir négocier avec soi-même pour faire bon visage et ne pas perdre la face. Loin d’être un déguisement, un mensonge, le travestisme s’oppose ainsi aux leurres et aux aliénations de la société. L’écriture, elle-même, se coule dans ce minimalisme et développe une poétique du ‘rien’ qui ne cherche qu’à dépouiller: “Tous les mannequins portaient des vêtements déchirés, décousus, rapiécés. Je retrouvais dans ces pièces uniques ma façon d’écrire. Je choisis souvent de ne pas tout dire, j’écris avec une paire de ciseaux, je retire, je déconstruis” (18). Ce livre plus singulier que sulfureux a le mérite de n’être ni une justification ni une explication; il se présente comme une tranche de vie brute par rapport à laquelle c’est au lecteur ou à la lectrice de se justifier. California State University, San Marcos Marion Geiger FOFANA, LIBAR M. L’étrange rêve d’une femme inachevée. Paris: Gallimard, 2012. ISBN 978-2-07-013481-6. Pp. 190. 17,50 a. Il s’agit ici du cinquième roman de Fofana. On doit donc supposer que ses ouvrages plaisent. Cela n’a rien d’étonnant si on juge son talent d’après cette dernière œuvre. Pourtant, il ne se destinait pas à l’écriture. En effet, Guinéen d’origine, l’auteur s’enfuit à l’étranger dans les années 1970 pour éviter la violence du régime de Sékou Touré. Il finit par s’installer à Marseille. Spécialiste en informatique , il quitta son poste lorsqu’il devint sourd, époque où il découvrit ses dons de romancier. Malgré son long séjour en France, il utilise toujours la matière africaine, mais il s’exprime d’une façon à plaire à un public international en ce sens qu’à part quelques mots locaux, son français est standard, qu’il raconte son récit chronologiquement en liant bien les événements et en développant la psychologie de ses personnages. Son originalité, ici, vient du sujet plus que de sa manière de s’exprimer. En effet, l’histoire raconte la vie de deux sœurs siamoises quelque part dans un village africain dans un pays sans nom. Comme l’indique le titre, l’une est biologiquement plus complète que l’autre car elle a des jambes et un bassin auquel sa sœur est attachée par devant. Leur mère meurt pendant l’accouchement, leur père se sauve honteux d’avoir procréé de tels “monstres”. 996 FRENCH REVIEW 86.5 Le village aurait voulu les supprimer, mais elles doivent leur vie à une vieille tante qui les recueille et qui les élève. Le lecteur suit alors...

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