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L’aridité de l’intrigue romanesque serait patente si elle n’était accompagnée d’un style d’écriture souvent alerte, très coloré par endroits et volontiers gouailleur. Tout le récit se fonde sur une sorte de métaphore filée du boxeur sur le ring, préfigurant un corps à corps entre le chibani, ‘l’ancien’ en arabe, et la nouvelle génération incarnée par Malick. Ce texte se lit d’une traite, un peu comme si l’auteur voulait marquer l’urgence de la situation prise à son point culminant. Il vous tient en haleine à la manière d’un match de boxe où les coups sont échangés dans l’âpreté d’un combat livré sur le terrain des valeurs. Tandis que Chibani le somme, “Dis, tu ne vas quand même pas épouser leur foi? Tu es musulman, ne l’oublie jamais” (62), Malick, revenu de ces amours déçues par “la patine si particulière de la culture française” (14), ne sait plus très bien à quel saint— lui l’incroyant—se vouer. “C’est quoi”, réplique-t-il, “cette manie arabe? Depuis quand on appartient à toute sa communauté?” (58). Le personnage de Chibani, sans nom propre véritable, représente en définitive la figure collective de tous les retraités maghrébins en butte au conflit générationnel. Sa fille, Aïcha, en se risquant sur le terrain de la fréquentation impie des “gaouris” (13) a définitivement franchi la ligne rouge. Elle a osé passer la frontière de l’entre-soi pour aller à la rencontre de l’inconnu. Reléguée dans les marges du récit, comme le prix à payer pour sa trahison, elle connaîtra le bannissement de la sphère paternelle. Or, Malick va se charger de rapprocher le père et la fille. En se “coltinant” Chibani, le jeune homme se retrouve face à ses propres contradictions. L’équation dès lors revêt un aspect aporétique: faire fondre l’armature du vieil homme en l’amenant sur le terrain de la réconciliation et de la tolérance présupposerait qu’il soit lui-même convaincu de l’utilité d’une telle démarche. Or, pris sous le feu de ses propres désillusions sur l’intégration, Malick peut-il sauver Chibani en se sauvant lui-même? Voici enfin le rôle taillé à sa mesure! University of Missouri, Kansas City Nacer Khelouz DJAVANN, CHAHDORTT. Je ne suis pas celle que je suis. Paris: Flammarion, 2011. ISBN 978-2-0812-2754-5. Pp. 536. 21a. Djavann met en scène son héroïne favorite, la jeune Iranienne déjà rencontrée dans ses autres écrits, qui lui ressemble et lui renvoie sa propre image. Dès les premières pages, “la narratrice” (11) explique son entreprise: “Ce livre est une tentative de vie, comme on fait une tentative de mort” (10). Dans l’“Épilogue”, “l’auteur” avoue: “Je suis mon personnage et je ne le suis pas [...] je confesse cependant que certaines expériences me sont familières, mais vous me reconnaîtrez le droit de ne pas dire lesquelles” (536). Cathartique, le récit commence après une tentative de suicide en 1994, date charnière de son arrivée à Paris. La psychanalyse, sous-titre et thème central de l’œuvre, permet les enchevêtrements et les continuels allers-retours entre le présent et le passé, la France et l’Iran, la mémoire et l’imagination, le rêve et la réalité, la vérité et le mensonge, l’oral et l’écrit et les incessants va-et-vient entre l’enfance, l’adolescence et l’âge adulte. Au cours des séances “dans l’antre” (14) du psy, la narratrice se dédouble et s’invente un personnage, s’exprimant tantôt à la première personne, tantôt à la troisième. La conversation avec l’analyste démarre difficilement, parfois pas un mot n’est prononcé: “Elle entrait, bouche cousue, et sortait, bouche cousue” (217). Peu à peu, les souvenirs sortiront du tréfonds de son âme pour la libérer d...

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