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PENNAC, DANIEL. Journal d’un corps. Paris: Gallimard, 2012. ISBN 978-2-07-012485-5. Pp. 382. 22 a. Quand on a lu, ne serait-ce que la saga des Malaussène, on ne s’étonne plus de la truculence de Pennac. L’auteur offre à son lecteur tremblant de curiosité un vibrant éloge de toutes les fonctions, ou malfaçons, du corps d’un personnage masculin qui, au demeurant, reste anonyme durant tout le récit. Il s’appelle à la rigueur Papa, mais peu importe, car là n’est pas ce qui fait le succès de ce livre délicieux et sobre à la fois. On reconnaît facilement Pennac le malicieux dans ces lignes, mais on apprend aussi à apprécier un auteur qui sait être grave quand il rend hommage au corps humain, compagnon de tous les jours, de toutes les aubaines et aussi de tous les malheurs. Le lecteur, guidé par un auteur extrêmement sagace, s’en va à la recherche du corps perdu. Entre l’automne 1936, quand son protagoniste a 12 ans, et la mort de celui-ci en 2010, le récit se fait impudique, sans tabou. Journal d’un corps décrit avec moult détails les ‘états d’homme’ d’un personnage qui, en forgeant une relation saine avec son corps, surmonte peu à peu toutes ses peurs. D’adolescent chétif, il se transforme sous les yeux du lecteur en (jeune) homme fort et sûr de lui. Le personnage mène un combat de tous les jours pour percer le mystère de son incarnation, mystère qui n’est jamais résolu, ce qui est bien là le propre de l’homme. Au court du récit, d’ailleurs, le corps parle plus ou moins à son propriétaire; les longs moments de silence, par exemple quand le personnage atteint la cinquantaine, sont peut-être prévus pour permettre au lecteur de faire son propre inventaire des apprentissages, des douleurs, des petits et grands plaisirs de sa vie. On pourrait argumenter que le titre du roman serait plus vrai avec un pluriel; en effet, les corps secondaires du livre, femme, enfant, petits-enfants, inconnus rencontrés dans la rue, ne sont pas indifférents au narrateur. On en veut pour exemple le corps, presque le bouclier de Violette, la nounou confidente des premiers émois et déceptions de l’adolescence, ou encore tous les corps féminins qui auront permis au narrateur de faire l’apprentissage de sa sexualité. L’index, s’il est un tant soit peu surprenant à la fin du roman, pourrait faire croire au lecteur que Pennac lui propose une balade dans le texte, au gré de sa fantaisie. Il se pourrait aussi que cet ajout soit une plaisanterie de plus de la part d’un auteur qui aurait quand même intérêt à ce que l’on lise son récit dans la continuité, et pas en sauts de puce, afin de ne pas en rater le moindre détail, hilarant, triste ou même bassement clinique. Pennac se permet un beau délire; il fait prendre à son personnage bourgeois légèrement coincé des fesses (“de ceux qui utilisent encore le point-virgule” [12]) un angle souvent trivial qui, tout en le poussant parfois bien loin dans l’art de la contemplation, fait les beaux jours du lecteur. Pennac s’amuse à pousser dans ses derniers retranchements un personnage à qui il fait dire que “l’homme naît dans l’hyperréalisme pour se distendre peu à peu jusqu’à finir en un pointillisme très approximatif avant de s’éparpiller en poussières d’abstraction” (179). Dans l’avertissement, le narrateur avait bien expliqué à sa fille qu’il lui donnait en cadeau la chronique d’un corps, le sien. Pennac est un grand amoureux des mots qui, quant à eux, offrent à son lecteur son immense talent pour l’exploration du corps et de ses souvenirs, même, et surtout si ceux-ci passent par la tyrannie de la flatulence et des acouphènes. Western Kentucky University Karin Egloff 1298 FRENCH REVIEW 86.6 ...

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