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Reviews 275 Modiano, Patrick. L’herbe des nuits. Paris: Gallimard, 2012. ISBN 978-2-07013887 -6. Pp. 178. 16,90 a. Modiano nous a offert un beau roman onirique, fidèle à l’atmosphère clandestine et aux recherches tâtonnantes qui caractérisent cette voix distincte dans la littérature contemporaine. Si L’herbe des nuits est un véritable régal pour les lecteurs qui suivent cet auteur de longue date, ce serait un point d’entrée difficile pour les novices. Le roman a une structure non linéaire avec un emmêlement temporel qui correspond à ses préoccupations principales. L’herbe présente une narration essentiellement rétrospective à la première personne, avec un narrateur qui—apprend-on au cours de l’intrigue—s’appelle Jean, mais qui comme d’autres personnages du roman a une certaine flexibilité onomastique et ainsi un flou identitaire. Jean nous fait passer par quatre strates temporelles qui parfois se chevauchent et s’informent. Le roman débute dans un présent de narration, lequel semble bel et bien l’époque contemporaine. Le narrateur—septuagénaire, déduit-on—est cependant préoccupé par des événements datant d’une cinquantaine d’années lorsque, à peine sorti de l’adolescence, il avait rencontré une jeune femme qui se faisait appeler Dannie. Même si Jean a fréquenté ce personnage un certain temps—il l’a suivi dans ses déplacements furtifs autour de Paris et en Île-de-France et a même partagé son lit—il a beaucoup de mal à cerner qui elle était, quelles étaient ses préoccupations et ce qu’elle serait devenue. L’essentiel de sa narration consiste donc à se rappeler et à reconstituer au hasard des lieux du présent des moments de leur relation passée, fuyante, dans les années soixante. Dans cette enquête s’introduit ponctuellement un troisième temps, il y a vingt ans, quand Jean a retrouvé un détective de la police mondaine et un mince dossier qui pourraient l’aider à en savoir plus sur les diverses personnes de l’entourage de Dannie. Et finalement nous avons un quatrième temps, celui de quelques figures historiques—Jeanne Duval, la Baronne Blanche et d’autres—qui ont fait l’objet de recherches et éventuellement de livres du narrateur, apparemment devenu auteur. Leurs ombres, comme celles de son adolescence, hantent et informent son présent. On pourrait croire que le moteur du livre est de savoir si, oui ou non, Dannie a commis un crime qui l’obligeait à changer régulièrement de logement sinon de nom et à s’effacer quand on se rapprochait trop d’elle. Pourtant, la vraie histoire est celle que notre narrateur cherche à reconstituer à partir de bribes de rêve et de réalité, et que Modiano lui-même ne cesse de tisser de livre en livre à travers des éléments divers mais récurrents, en écho à eux-mêmes. Ainsi le carnet noir de notre narrateur Jean qui contient “des noms, des numéros de téléphone, des dates de rendez-vous, et aussi des textes courts qui ont peut-être quelque chose à voir avec la littérature” (11) est-il le bloc-notes de la mémoire et du génie de Modiano. L’herbe et l’œuvre modianesque sont une tentative de composer et recomposer ces éléments hétéroclites en une littérature, pour la plus grande joie de ses lecteurs. Mount Allison University (N-B Canada) Mark D. Lee ...

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