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Reviews 271 Ferrari, Jérôme. Le sermon sur la chute de Rome. Arles: Actes Sud, 2012. ISBN 9782 -330-01259-5. Pp. 208. 19 a. Comme son titre l’indique, cette œuvre, prix Goncourt 2012 et sixième roman de l’auteur, est placée sous le signe du sermon de Saint Augustin, prononcé en 410 à la suite du pillage de la capitale romaine par les Wisigoths. “Le monde est comme un homme: il naît, il grandit, il meurt”, rappelait alors Augustin. L’évêque d’Hippone, dont les paroles sont citées en exergue du roman et de chacun des sept chapitres, évoquait le fait que tous les mondes édifiés par les hommes obéissent à ce rythme ternaire qui compose un cycle se répétant inlassablement. Jérôme Ferrari illustre ces trois temps— création, apogée, destruction—à travers le monde que deux amis d’enfance d’origine corse, Mathieu et Libéro, se construisent dans un bar de l’arrière-pays de l’Île de Beauté qu’ils reprennent après avoir abandonné leurs études de philosophie à Paris. Le bar devient rapidement pour les deux hommes“le meilleur des mondes possibles”cher au philosophe allemand Leibniz que Mathieu étudiait jusqu’alors. Ce dernier a grandi à Paris et réalise “son rêve immémorial” (64) fait de fantasmes identitaires puérils en s’installant sur la terre d’origine de ses parents. Libéro, lui, donne son “assentiment douloureux, total, désespéré, à la stupidité du monde” (64), à laquelle il ouvre cyniquement les portes du bar dont la mort est d’ores et déjà programmée. Car Libéro n’est pas dupe, ses études portaient sur Saint Augustin. Les fondations du monde que les deux amis bâtissent sont constituées des valeurs qui ont cours dans l’ensemble des mondes—le sexe, l’ivresse, l’argent, la violence—dans lesquelles les deux amis se noient lentement sous le regard impuissant d’Aurélie, la sœur de Mathieu, témoin lucide du désastre annoncé. Ferrari ne propose pas tant une critique de la décadence de notre société contemporaine qu’une mise en évidence de ces instants fatidiques et inexorables qui mènent à l’écroulement interne d’un monde, “les signes presque imperceptibles qui annoncent qu’un monde vient de disparaître” (20). L’auteur met également en question le concept de praxis individuelle à travers une réflexion sur le degré de performativité réalisable au sein de l’infinité des mondes qui nous définissent, que nous définissons, et dont est constitué le monde. À l’heure de la mondialisation et des identités postmodernes, Ferrari met ainsi en question la potentialité de choisir, de façonner, et de faire cohabiter différents mondes. Est-il possible de supprimer l’un de ceux auxquels on appartient arbitrairement? De ne pas accepter le tout dont chacun est constitué? Surtout, nous remarquerons la caractérisation de Marcel, le grand-père de Mathieu, dont la vie défile en toile de fond du roman. Marcel est né en 1919 et a titubé toute sa vie dans la désolation du champ de ruines laissé par les désastres du vingtième siècle. Ainsi, Le sermon est également la chronique de l’agonie du monde occidental auquel la guerre de 14–18 a donné le coup de grâce, mais qui n’en finit pas d’expirer en se convulsant dans des soubresauts d’hédonisme et de bêtise. University of Cincinnati (OH) Étienne Achille ...

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