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Delwart, Charly. Citoyen Park. Paris: Seuil, 2012. ISBN 978-2-02-105954-0. Pp. 479. 21 a. Et si, tout comme l’état civil, la propagande était en mesure d’empiéter sur les platebandes de la fiction—et inversement? Le troisième roman du Belge Charly Delwart reprend à son compte cette hypothèse: l’histoire de Park Jun-wang est en effet celle d’un homme tout entier porté par le désir d’élaborer un récit national en vue de faire d’un pays, le Kamcha du Nord, le plus heureux de la planète, et de son père le Grand Meneur Park Min-hun un demi-dieu. Il dispose pour ce faire de tous les moyens d’un régime autoritaire bien décidé à durer, et une énergie hors du commun. Plus quelques millions de figurants non rémunérés. En un sens, le matériau utilisé par Delwart pour ce récit n’est que propagande. C’est ce qui fait son originalité. Il en acquiert, paradoxalement, une sorte de neutralité. Aucun humour ne vient en effet alléger son poids, ni aucun parti pris dévier sa trajectoire. On attendrait en vain que le récit politique se fracasse contre la réalité (connue, même mal, puisque Delwart emprunte trait pour trait l’histoire du Kamcha à celle de la Corée du Nord). Mais qu’il s’agisse du Kamcha ou de la Corée du Nord, de vérité ou de mensonge, on apprend vite à le comprendre, “ce n’est pas la réalité qui compte. C’est la surface qui importe” (13). Mener une nation vers la victoire en lui donnant une origine mythique et un sauveur revient à postuler un principe esthétique et politique de fiction. Les slogans que projettent à toute heure le régime sur la conscience de ses citoyens sont à peu de chose près ce que le lecteur découvre en lisant Citoyen Park.“Le fond est la forme, nouvelle, épurée” (113), et Delwart déroule, mot d’ordre après mot d’ordre, une visite d’usine après l’autre, la geste d’un héroïsme auto-réalisateur. Mais voilà: le pays et ses habitants sont perçus à travers les yeux d’un homme qui ne se déplace qu’en Mercedes blindée, et qui a donné l’ordre d’abattre tout individu s’approchant à moins de deux kilomètres de sa résidence. L’intimité de Park est limitée à quelques moments de doute, demiavou és à lui-même, et à la description d’une existence à la fois luxueuse et paranoïaque. Chantiers, discours et admonestations s’enchaînent, et les efforts que Park met à les mettre en scène, alors que lui-même se transforme peu à peu en héritier, ne faiblissent jamais. C’est peut-être là que Citoyen Park trouve sa limite, au bout de deux cents pages (il en reste le double). L’auteur prolonge et perpétue l’énergie révolutionnaire de son protagoniste en faisant le pari que son lecteur voudra, au nom de la forme, entendre la litanie des plans quinquennaux. Citoyen Park, pourtant amateur de cinéma, ne se transforme pas en une sorte de Citizen Kane, et ne délivre, même du bout des lèvres, aucun secret. En guise de ‘rosebud’, il faut clamer longue vie au Président, “homme de grand leadership, d’une sagesse remarquable et de nobles vertus” (479). Metro State University of Denver (CO) Jean-François Duclos 268 FRENCH REVIEW 87.1 ...

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