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Reviews 267 Condé, Maryse. La vie sans fards. Paris: Lattès, 2012. ISBN 978-2-7096-3685-8. Pp. 334. 19 a. Condé, jusqu’ici moteur de l’énonciation, devient aussi son objet. Elle annonce que contrairement“au fatras de demi-vérités”(11) que sont la plupart des autobiographies, la sienne sera transparente, vraie, sans “tentatives d’embellissement” (13), corrigeant les erreurs et mensonges commis par ses biographes et elle-même au fil des ans. Ainsi, un‘pacte autobiographique’et un‘pacte référentiel’préparent le lecteur aux confessions d’une femme dans“toute la vérité de la nature”(12). Cette entreprise rousseauiste qui ambitionne sincérité, plaidoyer et humilité, nous livre un récit profondément humain qui éclaire l’ensemble de son œuvre. On découvre une femme indépendante et courageuse qui expose, parfois brutalement, sa souffrance dans sa chair et dans son cœur. Menée par ses passions, tant intellectuelles qu’amoureuses, son parcours oscille entre désespoirs extrêmes et enthousiasmes débordants. Elle est à la recherche de sa place dans le vaste monde qui s’offre à elle et qu’elle a du mal à déchiffrer. Le premier abandon douloureux n’est pas celui du père de son fils, mais de son île natale qui la prive de l’affection de sa mère tant aimée et de la protection des siens. À Paris, bafouée par le héros anti-duvaliériste mulâtre, Condé découvre qu’elle est “devenue une déclassée, une paria” (284). Sa condition de fille-mère l’oblige à abandonner les perspectives d’une brillante carrière. Elle épouse à la va-vite l’Africain Mamadou Condé avec lequel elle aura une relation orageuse semée de ruptures et de réconciliations éphémères: “Épouse menteuse, épouse infidèle, épouse adultère” (107). Mais l’époux guinéen a ouvert l’Afrique à la jeune femme qui voit dans le continent chanté par son cher Césaire le lieu de sa renaissance, de l’espoir, de la virginité retrouvée. Que retenir de ce parcours fourmillant de faits existentiels marquants, de vicissitudes, de réflexions multiples qui mène l’écrivaine de la Côte d’Ivoire à la Guinée, du Ghana au Sénégal en passant par l’Angleterre, pour finalement s’attarder aux États-Unis avec des allées et venues en Guadeloupe et à Paris? C’est d’abord l’énorme poids que porte Condé très tôt dans sa vie: grossesses non désirées, maladie, deuils, pauvreté matérielle et affective, rejet de la société. Ensuite, c’est l’importance capitale de l’Afrique dans sa vie. Elle s’y est embarquée avec ferveur et espoir pour bientôt découvrir que si ce continent est bien le lieu de ses origines ancestrales, il n’est pas celui de son‘intégration’ qu’elle cherche inlassablement. L’Afrique fait fi des Antillais et elle y demeurera toujours une étrangère dédaignée et parfois moquée. Mais en contrepartie, cette Afrique aux nationalismes virulents des nouvelles indépendances—où elle retrouve des intellectuels antillais comme Guy Tirolien, rencontre des révolutionnaires comme Mario de Andrade et Hamilcar Cabral, endure la férule de dictateurs charismatiques comme Sékou Touré et Kwame Nkrumah—lui fait vivre des expériences intellectuelles et culturelles d’une richesse étonnante. C’est bien l’Afrique qui déclenchera l’écriture, le besoin de conférer à certains moments vécus “une forme de vie que le temps ne pourrait détruire” (247) et filtrera “la voix inaltérable de l’auteur” (273). Fairfield University (CT) Marie-Agnès Sourieau ...

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