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Une histoire des sexualités au Québec au XXe siècle ed. by Jean-Philippe Warren (review)
- The French Review
- Johns Hopkins University Press
- Volume 87, Number 1, October 2013
- p. 255
- 10.1353/tfr.2013.0062
- Review
- Additional Information
Reviews 255 Warren, Jean-Philippe, éd. Une histoire des sexualités au Québec au XXe siècle. Montréal: VLB, 2012. ISBN 978-2-89649-366-1. Pp. 296. $25,95 Can. Issu du principe désormais apparemment incontesté parmi les historiens, selon lequel “les pratiques et les discours sexuels sont des constructions sociales dans lesquelles peuvent se lire, comme dans un prisme, le conscient et l’inconscient des sociétés” (9), ce collectif comble les études précédentes sur l’histoire des sexualités à l’époque de la Nouvelle-France et du Bas-Canada. Chaque chapitre aborde une facette des sexualités au Québec au vingtième siècle: l’éducation des garçons dans les pensionnats des collèges, l’impact des médias sur les adolescentes, le rôle du corps d’après la loi naturelle, la chasteté dans les communautés religieuses de femmes, la censure, les journaux jaunes, l’armée, la pornographie, la sexologie, la contreculture, la science, les mouvements gai-lesbien-bisexuel-transgenre, les brigades des mœurs et l’escouade juvénile, le culturisme et jusqu’au “cinéma de fesses”. Quasiment tous les chapitres sont le fruit d’années de recherches fouillées alors que certains n’en sont qu’à leurs débuts de recherche et de réflexion prometteurs. Tous sont admirablement documentés (cinquante pages de notes de renvoi et quatorze pages de bibliographie sélective). Chaque chapitre se termine en résumé. C’est à chaque lecteur de dégager une vue d’ensemble. Or, de la lecture de ce collectif il serait difficile de ne point sortir convaincu, qu’à quelques exceptions près, la sexualité au Québec au vingtième siècle était une affaire hautement politique sous la férule d’une Église ultramontaine et obscurantiste, menant les fidèles au carburant du sixième commandement de Dieu. La hiérarchie ecclésiastique se voyait responsable de protéger à tout prix ses ouailles contre la luxure et le libertinage. La doctrine catholique concernant la sexualité a commencé à se fêler à partir des années 1940, suite à la conjonction de plusieurs facteurs: les transformations économiques et sociales, les nouvelles connaissances sur la sexualité humaine, les foyers de contestation (au sein même de l’Église), les transformations réalisées grâce à la Révolution tranquille et surtout l’avènement de la pilule et la résurgence du féminisme à la fin des années 1960. Il faut cependant reconnaître un autre courant dans l’évolution des idées se rapportant à la sexualité au Québec. Dès les années 1940, l’État-Providence concurrence l’influence religieuse et redéfinit la sexualité masculine, conjuguée cette fois au nationalisme. Dans cette perspective l’homo quebecensis se définit par son activité dans l’arène sociale et politique, car c’est le propre de l’homme de contrôler, de décider, de gouverner. Les Pierre Trudeau, Jean Lesage, René Lévesque et tant d’autres illustrent le paradigme du nouvel homme québécois.Ce collectif est bel et bien une histoire des sexualités au Québec au vingtième siècle.Les historiens qui y ont contribué comptent poursuivre leurs recherches. D’autres devraient se joindre à eux pour examiner certaines facettes de la question qui n’ont pas été traitées, telles que la pédophilie et la polygamie. Ce collectif, qui se lit le plus souvent comme un roman, est une unique et excellente introduction à un aspect de l’histoire du Québec qui peut bouleverser les idées que certains se font de la Belle Province. Fairfield & Sacred Heart Universities (CT) Vincent Morrissette ...