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Frèche, Émilie. Deux étrangers. Arles: Actes Sud, 2013. ISBN 978-2-330-01410-0. Pp. 274. 21 a. Ce roman a ceci de particulier qu’il parle de tout et de son contraire. Élise est engagée dans un voyage qui va à la fois de l’avant, vers son père, un homme qu’elle n’a pas vu depuis sept ans, et en arrière, vers sa mère décédée et une enfance partagée avec un frère qu’elle ne voit plus vraiment dans sa vie d’adulte. Le père, dont la fascination absolue pour le pouvoir a fait de lui un étranger pour ses enfants, somme sa fille de venir le voir au plus vite au Maroc, pays dans lequel il a trouvé refuge. Malgré le spectre d’un passé difficile, Élise obéit aux ordres paternels et entreprend un pèlerinage qu’elle espère réparateur, dans l’antique Renault 5 de sa mère, un cocon improvisé qui lui imposera sa lenteur de vieille carne mécanique mais qui lui donnera aussi le courage d’aller jusqu’au bout. Frèche ne s’en tient pas à un thème unique dans ce roman des apatrides du sentiment. Il se trouve que le couple Élise-Simon est lui aussi fort ébranlé, en raison d’une indiscrétion conjugale dont Élise porte à elle seule tout le poids.Alors qu’elle s’achemine vers un homme, son père, dont elle ne sait pas ce qu’il lui veut, elle s’éloigne aussi d’un homme, son mari, qui a toutes les raisons de lui en vouloir. Encore marquée par les humiliations et la violence verbale d’un père odieux, Élise en veut à sa mère de sa lâche soumission amoureuse mais, en même temps, elle se prosterne, par SMS interposés, devant un mari meurtri prêt à quitter son couple et sa famille. Élise voit se profiler la destruction de son foyer alors même qu’elle tente de comprendre pourquoi et comment, séparés par toutes ces années de silence, elle se doit de retrouver son père, ce ‘quelqu’un’ qui sans la moindre explication la convoque chez lui. Alors que les personnages qui gravitent autour de celui d’Élise manquent peut-être un peu de relief, le progrès géographique et intérieur de ce personnage fait tout l’intérêt du roman. La Renault 5 est autant l’outil principal du long périple en solitaire que la capsule qui permet à Élise une remontée dans le temps, vers une mère tant regrettée. Roman de l’héritage, certes, mais aussi quête de soi, Deux étrangers propose au lecteur de partager le monologue intérieur riche et tourmenté d’un personnage qui cherche une réponse qui n’existe pas forcément. Le lecteur se laisse séduire par une histoire qui semble parfois partir dans toutes sortes de directions mais qui sait pourtant piquer à vif quelques points chauds de l’expérience humaine, s’assurant ainsi de toujours maintenir la tension du récit. Il n’est jamais facile de rétablir un lien détruit et, si finalement, le personnage d’Élise ne retrouve pas vraiment ses racines, elle aura peut- être quand même réussi à faire son deuil d’une relation sans avenir avec son père pour espérer raviver les cendres d’une relation profondément blessée avec son mari. Western Kentucky University Karin Egloff 206 FRENCH REVIEW 87.3 ...

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