In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Ravey, Yves. Un notaire peu ordinaire. Paris: Minuit, 2013. ISBN 978-2-7073-2259-3. Pp. 112. 12 a. Ce titre faussement désuet et quelque peu trompeur place les lecteurs au seuil d’une intrigue dont ils découvrent vite qu’elle est marquée par un lourd contentieux de la mémoire. Après des années passées en prison pour le viol d’une enfant, Freddy vient frapper à la porte de Martha, sa cousine. Veuve depuis quelques années, celle-ci est mère de deux adolescents: un fils qui s’apprête à débuter des études supérieures et, d’un an plus jeune que lui, Clémence. Martha sait d’instinct ce qu’il lui faut faire: éloigner ce cousin, faire en sorte qu’il ne puisse pas rentrer en contact avec sa fille, même s’il s’agit de s’opposer à la mansuétude des services sociaux et au laxisme de la gendarmerie. Ravey, en quelques traits, campe une situation dont seule Martha est en mesure de sentir le danger. Cette crainte l’isole en même temps qu’elle la pousse à multiplier les déplacements. La tension qui en résulte, au lieu de s’y diluer, vient se cristalliser dans le quotidien d’une petite ville de province qui pourrait se trouver n’importe où, à condition que ce soit en France. Les employés modestes (c’est le cas de Martha) se déplacent en cyclomoteur, et les notables circulent en voiture décapotable; les lycéens se retrouvent au café à quelques jours des épreuves du baccalauréat, avant d’aller réviser au bord d’une rivière, lourde elle aussi de menace. La vigilance de Martha, à l’affut de tout ce qui pourrait conforter sa peur, la transforme en une sorte de voyeuse protectrice face à l’insouciance naturelle de sa fille. Sur qui, alors, Martha peut-elle compter? Ne devrait-elle pas se résoudre à demander de l’aide à maître Montussaint, père de Paul, le petit-ami de sa fille? Mais, et c’est le moins que l’on puisse dire, la présence assidue du notaire auprès de sa fille ne la rassure pas. La critique salue régulièrement la sophistication discrète de l’œuvre d’Yves Ravey, qui compte déjà une douzaine de romans et de pièces de théâtre, tous ou presque publiés aux Éditions de Minuit. Un notaire peu ordinaire, comme les précédents, fonctionne avec une grande économie de moyens. Le récit parvient, par effet de condensation, à ramener tous les gestes et les paroles vers un point dont on devine qu’il pourrait faire basculer des existences, comme dans les romans de Simenon. Martha n’a pas toutes les caractéristiques d’un“cœur simple”, mais la présence de Flaubert se laisse aussi deviner comme un autre modèle. Outre la présence, essentielle pour l’intrigue, d’un livre dont on laisse deviner qu’il s’agit d’un exemplaire des Trois contes, les dialogues rapportés font une large place au discours indirect libre, dont l’ambiguïté est augmentée par les curieuses intermittences du fils, pourtant narrateur de cette histoire.Autant d’éléments qui font de ce roman un texte à la trame à la fois faussement banale et trompeusement linéaire. Metropolitan State University of Denver (CO) Jean-François Duclos 268 FRENCH REVIEW 87.4 ...

pdf

Share