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Reviews 265 tourné par France 5, diffusé depuis sous le titre Amélie Nothomb: une vie entre deux eaux. Selon cette vision du texte, nous trouvons tous les éléments attendus du genre sur vingt chapitres non-numérotés: préparatifs du départ, enchaînement des lieux visités et personnes rencontrées, retour chez soi. Pourtant, un voyage est rarement la simple série de ces éléments et c’est alors que La nostalgie heureuse devient le versant intérieur, souvent poignant, des images extérieures captées dans le tournage. Sous cette lumière un tout autre roman apparaît: le récit autobiographique d’une narratrice amenée à douter de la réalité de ses expériences passées et d’elle-même, qui relate un voyage émotionnellement ardu à travers des temps et espaces lointains—parfois dévastés—pour se guérir de quelque chose d’indéfinissable. La première phrase du roman tombe comme une règle d’écriture et un problème de vie:“Tout ce qu’on aime devient une fiction” (7). L’itinéraire du périple, réglé par le tournage, fait passer Nothomb par plusieurs étapes programmées—parfois éprouvantes—pour arriver à un point imprévu. De Kobé à Kyoto, de Tokyo à la préfecture de Fukushima, la narratrice scrutera les lieux pour trouver des traces de son passé, souvent sans succès. Restent des caniveaux, une photo produite par l’actuel personnel de son ancienne école maternelle, des coins de rue tokyoïtes revus en compagnie de son ancien fiancé, Rinri, lequel accepte de la retrouver sans la présence des caméras. Mais pour celle qui réclame le Japon comme le pays de son enfance, fragilisée par ceux qui ont remis en question le récit de sa jeunesse adorée et perdue, quelle preuve pourrait mieux combler ce besoin de confirmation identitaire que l’étreinte de sa nounou et mère japonaise: la frêle et très âgée Nishio-san? Et la langue japonaise—abîmée, appauvrie par le laps de temps—remonte chargée d’affect pour dire cette reconnaissance. Nothomb met tout cela en récit avec son mélange inimitable de réserve, d’autodérision et d’aplomb. Étape imprévisible sur ce parcours, Nothomb passera de la nostalgie au natsukashii: “l’instant où le beau souvenir revient à la mémoire et l’emplit de douceur” (90). Le terme de cette modification sera une sorte d’épiphanie de vide bienheureux, un kensho vécu alors qu’elle demeure immobile au carrefour de Shibuya, traversée à l’infini par la foule des passants anonymes, suspendue dans un commencement sans fin. Ce vide délicieusement décrit,nous espérons qu’elle continuera de le combler avec d’autres livres. Mount Allison University (N-B, Canada) Mark D. Lee O., Rachid. Analphabètes. Paris: Gallimard, 2013. ISBN 978-2-07-013910-1. Pp. 120. 14,90 a. Est-ce un roman d’autofiction ou une“autobiographie honteuse”pour reprendre l’expression de Gérard Genette? Analphabètes tient toutes ses promesses sur l’écriture, comme un acte artisanal dont l’issue demeure bien souvent incertaine. L’auteur s’y interroge de manière récurrente sur la durabilité de cette activité:“Combien de livres j’aurais écrits dans ma vie et combien de temps j’allais rester un écrivain” (37). Dix années se sont écoulées à l’issue desquelles Rachid O. remet sur le métier le même ouvrage; ronge le même os depuis L’enfant ébloui (son premier roman sorti en 1995 et qu’il cite abondamment ici) avec à chaque fois le même vertige obsessionnel de remplir une page blanche comme on remplirait sa propre vie. L’écriture serait ainsi “une assurance contre le vide”(52). Elle agence le monde intérieur pris dans son chaos originel:“Je suis mal de ne pas arriver à écrire”(35).Ainsi à l’exclamation mallarméenne que“le monde est fait pour aboutir à un beau livre”répond l’auteur d’Analphabètes par “ce qui m’importait et me réjouissait, c’était d’écrire...

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