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Garde ajoute un autre niveau à ce jeu sur le rapport fiction-réalité en utilisant la rencontre comme base de son roman et point de départ à nombre de réflexions: la transposition littéraire du vrai, le lignage patriarcal ou matriarcal (à Bourg-Tapage l’identité d’Insulaire se transmet par les femmes), les revendications ethniques et les Troubles qui en découlent, ce qui fait qu’on est “d’ici” (113), ce qui constitue une famille, ce qu’est une vie—“la somme des choix que l’on a faits [...] multipliée par le regard des autres, divisée par le coefficient imprescriptible du hasard” (205–06). L’enquête, méthodique et minutieuse, mène Zafar aux Messageries maritimes, à l’étatcivil , à la banque nationale de Bourg-Tapage, aux archives de la Villa Raymonde, résidence de Robert Tobias (l’époux stérile), auprès de l’auteur de la biographie de Thomas Colbert, de l’amie syndicaliste de Benjamin Tobias (le fruit de la rencontre) et auprès de la fille du docteur qui a conclu la transaction. Zafar, cet homme coupé des siens, qui a dédaigné l’entreprise familiale, éclaire en effet cette “obscure affaire d’héritage” (239), héritage du sang, du nom et de l’argent, non pas la fortune de Thomas Colbert, mais les trois couronnes, fil rouge du roman, volées une première fois par le grand-père Tobias (alors nommé Biasi), volées une deuxième puis troisième fois par Thomas Colbert et à Thomas Colbert.Au terme de l’enquête, suite à des réflexions personnelles mises entre parenthèses dans le roman, Zafar établit la nature des trois feuillets trouvés dans le tiroir de Thomas Colbert et déduit la vérité derrière la mort supposément accidentelle de son propre père. Grâce à une écriture enlevée, des personnages secondaires bien développés, Garde nous entraîne dans une histoire fabuleuse et, à force de mises en garde faites à son héros, dans des chemins de traverse. Pour trois couronnes n’est rien de moins qu’une lecture exaltante. Eastern Connecticut State University Michèle Bacholle-Bošković Giesbert, Franz-Olivier. La cuisinière d’Himmler. Paris: Gallimard, 2013. ISBN 9782 -07-014160-9. Pp. 370. 21 a. À cent ans passés, Rose écrit ses Mémoires au terme d’une vie rocambolesque au cœur d’un vingtième siècle sanguinaire marqué par une succession de conflits. Arménienne née en Turquie au tournant du siècle, Rose survit au génocide de son peuple. À cette époque sont déjà nés les trois monstres de l’humanité, à savoir Staline, Hitler et Mao. Quittant Trébizonde sans famille ni ressources, Rose n’a que son talent pour la cuisine et un compagnon de fortune, une salamandre volubile nommée Théo, son alter ego. Après plus de tourments et tribulations que la Vieille de Candide, Rose arrive à Marseille où elle ouvre un modeste restaurant “La Petite Provence”. Elle navigue en zigzags géographiques dans l’Histoire du siècle infernal. La rafle du Vel’ d’Hiv’ signe la déportation de son premier mari et de ses deux enfants. En Chine, les Gardes Rouges lynchent son troisième mari, le second n’étant qu’un clapotis dans sa vie. Ses bons petits plats aux herbes aromatiques (recettes incluses) et ses tisanes 254 FRENCH REVIEW 87.4 Reviews 255 médicinales lui valent l’affection reconnaissante d’Himmler qu’elle dorlote, flatte et aguiche à seule fin de retrouver les siens. Au cours de ses pérégrinations, Rose côtoie une brochette de personnages malfaisants qu’elle inscrit sur sa“liste des haines”(114): tenanciers rapiats, cousins sadiques et gloutons, préfet de police style Javert, collaborateurs , nazis. Aux cousins elle servira une savoureuse omelette aux champignons vénéneux. La loi du Talion est son bréviaire et “la vengeance est la seule justice qui vaille”(136). Sans s’encombrer d’états d’âme, à l’occasion elle se prémunit d’un Glock 17. Dans un siècle chaotique et sanglant, la vie devient une lutte au corps...

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