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Reviews 243 Bégout, Brice. L’accumulation primitive de la noirceur. Paris: Allia, 2014. ISBN 9782 -84485-773-6. Pp. 251. 15 a. Avec un titre pareil,les lecteurs peuvent légitimement s’attendre au pire.N’auraientils pas en main, avec ces vingt nouvelles, autant de variations houellbecquiennes sur le thème de la misère affective en zone néo-libérale? Si la réponse à cette question est affirmative, elle ne l’est que partiellement. L’accumulation progressive de la noirceur se propose de révéler sous le régime du plus économiquement fort bien davantage que le dénuement douloureux et vil des êtres incapables de révolte. Bégout est un philosophe qui a fait du quotidien son domaine de prédilection et d’action. Dans ce volume, la pensée de la banalité devient l’espace de tous les possibles et porte les situations jusqu’aux limites des paradoxes qu’elles incarnent.“Kosmische Musik”décrit un collectionneur monomaniaque de musique planante qui reconstruit sa vie dans une école désaffectée.“Le suiveur”présente un employé dont la passion est de prendre au hasard les passants en filature et qui se trouve enferré dans une situation qui lui donne un statut d’invisibilité quasi-parfaite. Dans “Le compteur de féminicides” un fonctionnaire passe huit heures chaque jour à tenir des statistiques sur les violences faites aux femmes dans les fictions télévisées diffusées sur le territoire national, et tente de retrouver le soir son épouse “avec l’innocence d’un petit garçon” (241). Aux flottements qui caractérisent les récits de la première partie de ce recueil font suite les glissements de la seconde et les basculements de la troisième. Artistes, architectes, sociologues, étudiants et chômeurs forment une série de portraits singuliers d’êtres déjà en exil du monde ou sur le point de le devenir. Tous voient arriver l’heure de rendre des comptes pour la passion ou le désœuvrement qui les consume. Mais il arrive alors que ce soit l’ordinaire plutôt que leur vie qui bascule dans l’étrange et le grotesque. Plusieurs récits courts et vifs viennent en effet attiser le feu d’un genre gothique qui aurait abandonné les forêts et les châteaux hantés pour les parkings et les voies ferrées. “Chroniques mélancoliques d’un vendeur de roses ambulant”, le plus long de ces récits, est aussi celui d’où sourdent les plus puissants rayons de la mélancolie . Pour son narrateur, un jeune Indien surdiplômé et sans-papiers qui arpente chaque nuit les rues d’une ville européenne, la flânerie lui est “proscrite” et la peur de se faire arrêter “orchestre toute une nouvelle géographie” (214). Capable, de par sa formation d’anthropologue, de “mettre au jour ce qui se cache sous le seuil de perception des autres hommes” (215), ce noctambule insatiable devient le porte-voix de Bégout, et condense toutes les formes possibles de la pensée en action décrites jadis par Malraux. Au final, l’observation au scalpel d’un réel noir et bizarre forme dans ce recueil une expérience bien plus roborative que ce que laisse penser le titre. Metropolitan State University of Denver Jean-François Duclos ...

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