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Reviews 271 Lahens,Yanick. Bain de lune. Paris: Sabine Wespieser, 2014. ISBN 978-2-84805-1178 . Pp. 273. 20 a. Ne serait-ce qu’en raison des mystérieuses et funestes circonstances sur lesquelles s’ouvre le quatrième roman de Lahens, force est d’évoquer Traversée de la Mangrove (1989) de Maryse Condé. À l’instar du célèbre roman guadeloupéen qui commence par la découverte du corps de Francis Sancher sur un chemin de forêt, c’est dans l’écume d’une plage haïtienne que l’on trouve, dès la première page de Bain de lune, sa protagoniste, Cétoute Florival. Dans l’un et l’autre roman s’énonce d’emblée la double énigme d’une mort et d’une vie, chaque personnage s’avérant au départ aussi sibyllin que les raisons douteuses de sa disparition. Or, alors que l’identité de Francis, dévoilée à travers les témoignages d’autrui, reste quasi impénétrable, c’est Cétoute ellem ême, ankylosée et inexpressive, qui narre sa propre histoire.Aussi celle que l’on croit défunte est-elle consciente de la présence de celui qui la trouve inerte sur le sable ainsi que de tous ceux qui l’encerclent par la suite et la débarquent à direction de son village d’Anse Bleue. Décidant de meubler le temps qui lui reste avant que la divinité Lasirenn ne l’emmène en Afrique, Cétoute propose de “[r]emonter toute la chaîne de [s]on existence pour comprendre une fois pour toutes [...] Remettre au monde un à un [s]es aïeuls et aïeules” (11). Elle cède toutefois sa place, dans cette trame narrative, à une deuxième voix—celle-ci à la première personne du pluriel—qui, au moyen d’analepses intercalées à intervalles irréguliers avec la sienne, reconstitue les expériences et surtout les épreuves des générations précédentes. Remontant aux années 1920, époque de la première occupation américaine, nous découvrons alors sur Anastase Mésidor, riche propriétaire terrien, qu’il a su dépouiller Bonal Lafleur, aïeul de Cétoute, de la plus belle portion des terres des héritiers Lafleur. À en croire la voix collective du récit— qui, elle, s’identifie comme appartenant aux Lafleur—la seule égalité entre les Mésidor et les autres est l’acharnement qu’ils mettent à se tenir à distance les uns des autres:“Un jeu qui nous liait tous aux Mésidor et qui les enchaînait à nous malgré eux. Un jeu dans lequel, vainqueurs et captifs, nous étions passés maîtres depuis longtemps”(20). Lorsque le fils d’Anastase prend la jeune Olmène Dorival pour épouse, l’on pourrait espérer que leur union et leur progéniture seraient de bon augure en ce qui concerne l’inimitié qui divise les deux familles. Pourtant, à la différence de Gouverneurs de la Rosée (1944) de Jacques Roumain (auquel d’autres allusions intertextuelles dans Bain de lune semblent renvoyer), le conflit entre nantis et démunis perdure, exacerbé plutôt qu’étouffé par les grands événements du pays, dont “l’avènement de l’homme à chapeau noir et lunettes épaisses” (162), le déboisement progressif des terres et des désastres naturels. Lahens finit par brosser un parcours quelque peu sombre d’Haïti, tout au bout duquel la voix collective signale toutefois que Abner, frère de Cétoute, saura frayer“[l]a route de demain”(262). Face à cette ultime déclaration proleptique, nous attendrons la suite de l’histoire. Boise State University (ID) Jason Herbeck ...

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