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Reviews 253 Vigan, Delphine de. D’après une histoire vraie. Paris: Lattès, 2015. ISBN 978-2-70964852 -3. Pp. 479. 20 a. Qu’écrire “après ça” (98), à savoir Rien ne s’oppose à la nuit (2011), un texte à la charge émotionnelle puissante sur la bipolarité et le suicide maternels et dont le succès suscite encore en de Vigan un sentiment d’imposture? C’est de cette question et de l’appétit des lecteurs pour le vrai qu’est né D’après une histoire vraie, Prix Renaudot 2015. Delphine (sorte de double de l’auteur) est fragilisée par le départ de ses enfants bacheliers, le manque de disponibilité de son compagnon François (Busnel, le critique littéraire) et par un incident survenu au Salon du livre où, épuisée, elle refuse de dédicacer son livre, ouvrant la porte aux remords. Le tout crée une faille dans laquelle L., nègre“spécialisée dans l’autobiographie féminine”(51), s’engouffre. Delphine relate leur rencontre: comment L. s’est immiscée dans sa vie, s’y est rapidement et facilement positionnée comme “personne ressource” (85), fiable, disponible, indispensable. Elle retrace les étapes successives de son emprise, comment L. l’a possédée, envoûtée, vampirisée. Avec la lucidité de l’a posteriori elle montre comment elle n’a pas vu les lézardes dans l’image de L. et son pouvoir de mimétisme, comment elle s’est fait complice de son propre asservissement (incapable d’écrire, elle laisse L. payer ses factures et répondre à ses mails).Sauvée par L.grâce à la manœuvre Heimlich,Delphine ne voit pas l’un-heimlich et se laisse tout autant prendre dans les rêts de la fiction tissée par L. que nous, lecteurs, sommes enlevés dans les tours et détours de ce texte entre autobiographie et roman (sujet de nombreuses discussions auxquelles se livrent, telles des devisantes, les deux héroïnes), et pris entre ses effets de réel (titre envisagé par Vigan) et ses “effets de fiction” (472). Si ce livre questionne l’influence du pacte de lecture et remet en cause la justesse de notre perception de nous-mêmes et des autres (avec la part de projection qui entre dans cette dernière), de Vigan met en pratique ce que prêche Delphine. À partir d’un incident, elle transpose, travestit, extrapole, nous mène à “croire tout en sachant que cela n’existait pas. Y croire comme si c’était vrai, tout en étant conscient que c’était fabriqué”(139), comme si c’était écrit“d’après une histoire vraie”. Elle nous fait ainsi regarder à deux fois les trois photomatons (supposément de L. mais qui ressemblent étrangement à de Vigan) qui ornent la couverture. Avec ce livre, Delphine réalise le projet littéraire qu’elle suggère à la fin:“écrire un livre entier qui se donnerait à lire comme une histoire vraie, un livre soi-disant inspiré de faits réels, mais dont tout, ou presque, serait inventé” (448). Peut-être L. n’est-elle alors qu’une allégorie envoûtante de la littérature et ce roman qu’une “arnaque” (448)— mais une arnaque stimulante et délicieuse dont j’ai été la victime plus que consentante. Eastern Connecticut State University Michèle Bacholle-Bošković ...

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