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Reviews 247 Ravey, Yves. Sans état d’âme. Paris: Minuit, 2015. ISBN 978-2-7073-2907-3. Pp. 126. 12,50 a. L’auteur de La fille de mon meilleur ami (FR 88.4) et d’Un notaire peu ordinaire (FR 87.4) a produit un polar dont le narrateur est le meurtrier, un polar paradoxal qui ne raconte pas la scène du meurtre et qui comporte peu de suspense. Plutôt qu’une intrigue policière—en l’occurrence quasi inexistante—c’est le tableau d’un milieu provincial apparemment ordinaire qui retient l’attention. Le narrateur, Gustave Leroy, chauffeur poids-lourd de son état, est “amoureux depuis [son] plus jeune âge de Stéphanie”, sa voisine (10). Or celle-ci est tombée amoureuse d’un bel Américain, John Lloyd, de passage dans la région et dont le compte en banque semble bien garni. Lorsque John disparaît dans des circonstances mystérieuses—“Ce qui s’est produit à cet instant, je me suis promis de le taire à jamais” (55)—c’est fort bizarrement à Gustave que Stéphanie fait appel pour retrouver sa trace. Ostensiblement devenu enquêteur,le meurtrier émet des hypothèses.John serait-il retourné dans son Minnesota natal? Aurait-il choisi de s’éloigner discrètement à cause d’une autre femme? Se greffent sur ce récit minimaliste des tractations immobilières, des conflits banals entre voisins, le souvenir d’un père décédé qui n’a laissé que des dettes et une mère atteinte de carence de mémoire. Comme il est prévisible, ‘l’enquête’ de Gustave ne progresse guère, pas plus que ses tentatives de faire évoluer sa relation avec Stéphanie, qui ne pense qu’à retrouver son amoureux américain. C’est l’arrivée inattendue du frère de John, Mike Lloyd, qui bouleverse le déroulement du récit, dont l’aboutissement est également prévisible, tant Gustave semble prendre un malin plaisir à s’identifier à sa victime, se désignant ainsi coupable aux yeux de tous:“Je me sentais progressivement entrer dans la peau de John Lloyd, m’imprégner de sa personne” (43). La thématique de l’enquêteur à la recherche d’un criminel qui n’est autre que lui-même remonte à Sophocle. Ravey parsème son roman d’autres références culturelles ou littéraires: le bruit des trains entendu par le narrateur “[a]u moment de dormir, enfant” (7); un grand-père qui s’appelle Harold Lloyd; une rencontre, lourde de sous-entendus mémoriels, dans un cimetière militaire américain; un professeur d’histoire, spécialiste de la Seconde Guerre mondiale, qui constate que le passé est bien présent. Sans état d’âme se lit très rapidement. Ce qui reste en mémoire, ce n’est ni l’intrigue ni le personnage central, mais un vague sentiment de fatalisme, qui semble être consubstantiel à la grisaille de la vie quotidienne. Western Washington University Edward Ousselin ...

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